Le cri de liberté, Chagall politique. À l'occasion de l'exposition au musée national Marc Chagall de Nice

Image représentant la conférence  Le cri de liberté, Chagall politique. À l'occasion de l'exposition au musée national Marc Chagall de Nice

Cette année, plusieurs musées ont présenté la production de Marc Chagall à travers le prisme de son engagement malgré lui, dans des événements politiques de grande ampleur. Après une présentation à la Piscine de Roubaix entre octobre 2023 et janvier 2024 et à la Fondation MAPFRE à Madrid, c’est au tour du musée national Marc Chagall de Nice (1er juin-16 septembre) de présenter cette exposition bénéficiant de recherches inédites réalisées grâce aux archives de l’artiste et à l’implication de ses héritiers.

Marc Chagall incarne irrémédiablement la figure de l’exode dans un monde moderne où sa judaïté n’est pas toujours compatible avec les représentations bibliques qu’il dépeint, et représente un danger lors de la montée du nazisme. Nous suivrons l’évolution de son art au gré de ses pérégrinations : de Vitebsk à Paris, en passant par Moscou, Berlin, New-York et le sud de la France.

Dès l’année 1937, son œuvre est présentée à Munich au sein d’une exposition humiliante, dénonçant « l’Art dégénéré » des artistes modernes dont beaucoup, à l’instar de Chagall, sont juifs. D’autres de ses toiles sont détruites. Le peintre trouve d’abord refuge en France où il obtient la nationalité, mais doit bientôt gagner les Etats-Unis, appelé « in extremis » en 1941 par le directeur du MOMA, dans le cadre d’une invitation officielle à venir exposer son travail. L’œuvre de Chagall est tiraillée entre deux blocs, celui du fascisme réactionnaire, face à celui des démocraties et de l’avant-garde.

Chagall peint alors des œuvres engagées telle Guerre en 1943 ou le triptyque Résistance, Résurrection et Libération entre 1937 et 1952. Il y dénonce les atrocités perpétrées envers le peuple juif et s’en remet aux thèmes bibliques, caractéristiques de son œuvre. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, il continue à rendre hommage aux artistes et aux juifs disparus lors de ce cataclysme : « Les ai-je tous connus ? Ai-je visité Leur atelier ? […] Je vais à leur tombe inconnue Ils m’appellent. Ils m’invitent. Moi l’innocent, le coupable, à leur fosse Ils me demandent : où étais-tu – J’ai fui. Eux, on les a jetés aux bains de la mort ».

Malgré ces années obscures traversées par l’artiste, ses œuvres ne cessent par leurs couleurs et leur message de porter l’espoir de l’humanité.


Votre conférencière :

Docteure en Histoire de l’Art, Elsa Trani a enseigné pendant dix ans au sein des universités de Montpellier et d’Aix-en-Provence. Spécialisée dans la peinture ancienne, sa carrière a débuté en tant qu’assistante de conservation au musée Fabre de Montpellier ainsi qu’au contact des conservateurs de la DRAC Occitanie pour la réalisation de sa thèse de Doctorat portant sur la peinture à Montpellier et dans le Midi aux XVIIème et XVIIIème siècles. Conférencière indépendante en Histoire de l’Art et enseignante en Histoire-Géographie, ses recherches se poursuivent autour de nombreux thèmes : la peinture régionale, les femmes peintres, les académies de peinture, la théorie de l’art, les grands maîtres de la Renaissance italienne…


Les dates à retenir :

1887 : naissance de Marc Chagall à Vitebsk (actuelle Biélorussie), le 7 juillet.

1910 : Marc Chagall reçoit une bourse d’études qui lui permet de s’installer à Paris. Il noue des amitiés avec l’avant-garde parisienne : Blaise Cendrars, Guillaume Apollinaire, Fernand Léger, Robert Delaunay.

1914 : première exposition personnelle à Berlin.

1918 : Marc Chagall, sympathisant de la Révolution russe, devient commissaire des Beaux-arts à Vitebsk.

1933 : destruction d’un tableau de Marc Chagall, Le Rabbin, dans un autodafé à Mannheim par les nazis.

1937 : première édition de l’exposition traitant de l’Art dégénéré à Munich où figurent les œuvres de Chagall.

1941 : Alfred Barr, le directeur du Museum of Modern Art de New York, invite Marc Chagall en vue d’une exposition. L’exil américain commence.

1943 : Marc Chagall est destitué de la nationalité française par le régime de Vichy.

1948-1956 : retour de l’artiste en France, il s’installe dans le sud et débute le cycle de peintures monumentales du Message Biblique qu’il achève en 1966.

1973-1984 : le Musée National Message Biblique Marc Chagall (aujourd’hui Musée National Marc Chagall) à Nice est inauguré par l’artiste. Il réalise des ensembles de vitraux pour les sanctuaires de Reims, Sarrebourg, Mayence. La Fondation Maeght organise une rétrospective de l’œuvre peint de Chagall à Saint-Paul-de-Vence en 1984. L’artiste s’éteint dans son atelier l’année suivante. Il repose au cimetière de Saint-Paul-de-Vence.


À lire pour aller plus loin :

Cat. Exp. Roubaix 7 octobre 2023 – 7 janvier 2024 ; Madrid 31 janvier – 5 mai 2024 ; Nice 1er juin – 16 septembre 2024, Chagall politique. Le cri de liberté sous la direction d’Ambre Gauthier.

Gregory Couderc, Ambre Gauthier, Itzhak Goldberg, « Le cri de liberté Chagall politique » in Connaissance des arts hors-série, Paris, 2023.

Elisabeth Pacoud-Remé, Chagall musée national March Chagall, Nice, RMN, Paris, 2022.

Jackie Wullschläger, Chagall, Biographies Gallimard, Paris, 2017.

Gérard Denizeau, Les plus belles œuvres de Chagall, Larousse, Paris, 2013.