La guerre des Malouines, dernière guerre populaire ?

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La guerre des Malouines dure à peine 10 semaines, du 2 avril au 14 juin 1982. Elle oppose l’Argentine, dirigée d’une main de fer par une junte militaire brutale et sanguinaire depuis mars 1976, au Royaume-Uni de Margaret Thatcher, Premier Ministre depuis mai 1979. Bien qu’elle concerne un tout petit archipel d’îles situé à plus d’une dizaine de milliers de kilomètres de Londres, et à presque 500 kilomètres au large des côtes argentines, la guerre des Malouines est un épisode majeur, et controversé, de l’histoire britannique, qui a suscité beaucoup d’intérêt chez les Britanniques mais n’a pas définitivement réglé la question de la souveraineté de l’archipel.

L’historien Lawrence Freedman compare la guerre des Malouines à une pièce de théâtre victorien, avec une intrigue simple, des personnages bien définis, une histoire en trois actes avec un début, un milieu et une fin aisément identifiables, et une conclusion claire et nette, compréhensible par tout le monde. Pour le journaliste Max Hastings, qui a couvert le conflit, il s’agit de la dernière guerre vraiment populaire. Elle est en tout cas le résultat de l’échec d’une solution diplomatique aux revendications de souveraineté argentine et elle constitue une indéniable démonstration de force des nationalismes argentin et britannique. En effet, si les Malouines sont une possession de la Couronne britannique depuis 1833, l’Argentine n’a de cesse, tout au long du vingtième siècle d’en revendiquer la souveraineté.

La guerre des Malouines survient dans un contexte de crise économique sévère au Royaume-Uni, dont le prestige et l’influence sur la scène internationale ont par ailleurs été considérablement ébranlés au cours des décennies précédentes. Elle a d’importantes conséquences politiques chez les deux belligérants. Du côté argentin, l’échec militaire et la crise économique précipitent la chute de la dictature des généraux, qui rendent le pouvoir aux civils. Du côté britannique, la détermination, voire l’intransigeance, de Margaret Thatcher, qui permet au Royaume-Uni de remporter une victoire hautement symbolique sur le plan international (avec le soutien de la communauté internationale), renforce son aura et sa réputation de « Dame de fer ». Margaret Thatcher sait exploiter habilement ce crédit politique, déterminant dans sa victoire aux élections législatives de 1983. Pendant un temps, la victoire de la guerre des Malouines offre également aux Britanniques un regain de fierté nationaliste et fait oublier de longues décennies de déclin impérial.


Votre conférencier :

Fabien Jeannier est docteur en civilisation britannique de l’université de Lyon, chercheur associé au laboratoire ICTT, à Avignon Université. Ses recherches portent principalement sur l’Écosse contemporaine.


Les dates à retenir :

19 mars 1982 : des ferrailleurs argentins accostent sur l’île de Géorgie du Sud et hissent le drapeau argentin.

2 avril : 5 000 fusiliers marins argentins débarquent à Port Stanley, immédiatement rebaptisé Puerto Argentino. Après une brève résistance, le gouverneur Rex Hunt se rend. Les Nations Unies votent la résolution 502. Les britanniques commencent à constituer une force d’intervention.

3 avril : les soldats de la Navy stationnés à Grytviken sur l’île de Géorgie du Sud se rendent.

5 avril : la force d’intervention britannique quitte Portsmouth.

27 avril : le gouvernement britannique autorise l’opération Sutton (débarquements britanniques sur Malouine orientale).

28 avril : le Royaume-Uni établit une zone d'exclusion totale de 200 milles autour des îles Malouines, incluant les avions et les navires de toutes les nations, qui prend effet deux jours plus tard.

1 mai : premiers bombardements britanniques.

2 mai : le croiseur argentin General Belgrano est coulé.

10 mai : le HMS Sheffield, lourdement endommagé six jours auparavant, coule pendant son remorquage.

14–15 mai : l’île de Pebble est bombardée par les Britanniques.

20 Mai : le secrétaire général de l’ONU admet l’échec de la médiation onusienne.

25 mai : les navire de guerre britannique HMS Coventry and le porte-conteneur Atlantic Conveyor sont touchés par des missiles (français) Exocet. Le HMS Coventry coule.

28 Mai : victoire britannique de Goose Green. 1 100 soldats argentins se rendent.

31 mai : victoire britannique à Top Malo House.

4 juin : le Royaume-Uni et les Etats-Unis opposent leur véto au cessez-le-feu immédiat demandé par l’ONU.

12 juin : les attaques britanniques lancées la veille à Mount Harriet, Two Sisters et Mount Longdon, près de Stanley sont victorieuses.

14 juin 1982 : les attaques britanniques lancées la veille à Mount Tumbledown, Wireless Ridge et Mount William sont également couronnées de succès. Les forces argentines se rendent.


A lire pour aller plus loin :

Charles Maisonneuve et Pierre Razoux, La guerre des Malouines, Larivière, 2002.

Michael Parsons, Les relations anglo-américaines de 1945 à 1990 : une « Special relationship » ?, Paris, Ophris-Ploton, 2002, p. 128-134.

Margaret Thatcher, 10, Downing Street Mémoires [« The Downing Street years »], Paris, Albin Michel, 1993, p. 163-221.


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Fabien Jeannier
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