Rodin et Claudel
Cette réunion artistique et sentimentale commence au début des années 1880 lorsque l’activité intense de l’atelier de Rodin rendit nécessaire la présence d’assistants : en 1884, Jules Desbois, qu’il connaissait depuis longtemps, rejoignit l’atelier, suivi ou précédé par Camille. Tous ceux qui ont fréquenté les lieux de la rue de l’Université à Paris se la rappellent : laborieuse, attentive, concentrée. Rapidement, elle devint la collaboratrice du Maître. Par ailleurs, Rodin, qui a tout de suite reconnu en Claudel la future grande artiste, ne la considère qu’en tant que telle. Sur chaque décision à prendre, il délibère avec elle ; et ce n’est qu’après s’être mis d’accords qu’il se détermine définitivement.
À cette période, leurs deux œuvres sont parfois difficiles à distinguer. Camille travaillait certes pour Rodin, dans une proportion impossible à déterminer, mais elle ne négligeait pas sa propre œuvre, fortement marquée par l’admiration qu’elle éprouvait pour son mentor. Aussi, le but de cette conférence n’est pas de retracer les carrières respectives d’Auguste Rodin et de Camille Claudel ; mais au contraire, de prendre essentiellement en compte le contenu artistique résultant de leur relation.
Au-delà de l’émulation réciproque, Camille inspira rapidement une passion violente à Rodin. Dès 1884, en pleine possession de son métier, il traduisit l’exaltation qui l’habitait dans L’Éternel Printemps. L’œuvre reçut son titre inspiré d’un poème de Victor Hugo où Rodin retrouvait sans doute le sentiment de renouveau que lui avaient fait éprouver les débuts de son amour pour une Camille vingt-quatre ans plus jeune que lui. À ce titre, il présenta Je suis Belle au Salon de 1886, cri sauvage de l’homme qui enlève une femme en apparence impassible ; et parallèlement, traduction de la passion pour une Camille qui s’en défendait.
Malgré tout, ou peut-être à cause d’un début de carrière prometteur qu’elle lui devait en grande partie, celle-ci sentait en effet le besoin de prendre une certaine distance par rapport à lui. N’appartenir qu’à son Art, ne vivre que pour Lui, créer, sculpter, jusqu’à la folie, jusqu’à l’ultime don de soi, tel était son seul credo : La Valse, Sakuntala, L’Aurore, Clotho….tant de chefs-d’œuvre témoignent de cette fièvre. L’élève dépassa-t-elle le Maître ? Ou fut-elle au contraire elle-même dépassée par son génie ?
Votre conférencier :
Docteur en Histoire de l’Art moderne de l’université Michel de Montaigne (Bordeaux 3), enseignant en classes préparatoires, Christophe Levadoux est spécialiste de l’Histoire de l’Architecture et des arts décoratifs français au XVIIIe siècle, à travers notamment le mécénat artistique des princes de Bourbon-Condé. Auteur de nombreux articles scientifiques liés à son sujet de spécialité et au patrimoine auvergnat, sa thèse Louis-Henri de Bourbon (1692-1740), prince des Lumières doit être publiée prochainement en deux volumes (vol 1. Les bâtiments ; vol.2. Les objets d’art). Conférencier reconnu en région Rhône-Alpes-Auvergne, son esprit résolument progressiste et iconoclaste le pousse à vulgariser l’Histoire de l’Art auprès d’un public avide de ses présentations érudites et décalées. Sa devise ? « Le courage a le mérite que l’on se doit pour exister » Sonia Lahsaini.
Les dates à retenir :
12 novembre 1840 : naissance d’Auguste Rodin.
8 décembre 1864 : naissance de Camille Claudel.
1880 : l'État français commande à Rodin la réalisation d’une porte monumentale pour le futur Musée des Arts Décoratifs. Pour la réaliser, l'artiste se voit doté d’un atelier et d’assistants. Sa carrière démarre réellement.
1884 : la ville de Calais commande à Rodin Le monument aux Bourgeois de Calais. Camille Claudel, rencontrée en 1882, y travaille comme praticienne. Rapidement, elle devient également son modèle, sa muse et sa collaboratrice. Elle est également sa maîtresse jusqu'en 1892.
1888 : Claudel partage la vie d’Auguste Rodin qui loue pour eux la Folie-Neubourg sur le boulevard d’Italie.
1892 : Claudel prend ses distances avec Rodin, elle s’installe dans son propre atelier et finira par rompre sa relation avec lui.
1906 : Camille manifeste un comportement de plus en plus violent qui l’éloigne de ceux qui lui étaient proches.
1913 : l'état de santé physique et mental de Claudel se dégrade depuis 1911 et elle est internée à Ville-Evrard à la demande de sa famille.
17 novembre 1917 : décès d’Auguste Rodin à la villa des Brillants à Meudon.
19 octobre 1943 : décès de Camille Claudel à Montfavet, à l’âge de 78 ans.
À lire pour aller plus loin :
Catherine Chevillot, Rodin : Le livre du centenaire, Paris, RMN, 2017.
Antoinette Le Normand-Romain, Camille Claudel et Rodin : le temps remettra tout en place, Paris, Hermann, 2014.
Véronique Mattiussi, Rodin, artiste libre et affranchi, Paris, Le cavalier bleu, 2017.
Reine-Marie Paris, Camille Claudel, Paris, Gallimard, 2002.
Anne Rivière, Camille Claudel : catalogue Raisonné, nouvelle édition, Paris, Adam Biro, 2000.