Fernand Pouillon, une modernité hybride

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Architecte et urbaniste de renommée controversée, Fernand Pouillon (1912-1986) a eu une longue et prolifique carrière et est considéré comme étant l'un des grands bâtisseurs des années de reconstruction en France, après la Seconde Guerre mondiale.

Exclu et maintenu en marge de l’histoire de l’architecture du XXème siècle, l’ostracisme qui frappe son œuvre semble moins dû à sa production, bien que jugée anachronique, qu’au personnage qu’il incarnait et aux jalousies suscitées par ses œuvres comme en témoigne Bernard Huet : « En 1956 et 1957, étant moi-même engagé dans des opérations militaires, j’ai été le témoin des critiques acerbes des architectes algérois, corbuséens et néo-corbuséens vis‑à‑vis de l’opération du Climat-de-France, que l’on appelait les 200 colonnes. Ces critiques étaient toutes d’ordre moraliste. Toutes. ».

Diplômé en 1942 à l’Ecole régionale des Beaux-Arts de Marseille qu’il fréquente dès l’âge de 15 ans pour des cours de dessin, sculpture et architecture, Pouillon avait commencé, très tôt, une carrière de bâtisseur à Aix-en-Provence, tout en s’investissant beaucoup dans la commercialisation des appartements. Cette première expérience professionnelle donne à sa carrière un aspect pratique et pragmatique dans sa vision de l’architecture.

Chargé, après la guerre, de la reconstruction du Vieux Port et auteur de nombreux bâtiments universitaires à Aix et d’ensembles d’habitations remarquables autour de Paris, Pouillon est appelé à Alger en 1953 par le maire Chevallier. Ce dernier le nomme architecte de la ville et lui confie le chantier de trois opérations totalisant plus de six mille logements : les cités Diar es’Saada, Diar el-Mahçoul et Climat de France (1953-1957).

Si la production des architectes locaux, à leur tête Louis Miquel et Roland Simounet, était fondée sur la compréhension des enjeux sociaux et culturels des populations musulmanes ajoutée aux soucis d’ancrage au paysage méditerranéen, celle de Fernand Pouillon se situait, quant à elle, dans l’échelle des grands ensembles.

Pouillon quitte l’Algérie pour y revenir en 1966, après quelques affaires en justice et une peine de prison en France, quand le gouvernement algérien lui confie plusieurs projets touristiques à travers le pays (Tipasa, Skikda, Annaba, Bou-Saada, Ghardaia, Timimoun...). Dans cette deuxième carrière algérienne, Pouillon s’éloigne de son rationalisme des années 50 et emprunte pour ce programme une tout autre voie, celle du pittoresque et de l’éclectisme.

Cette prolifique carrière nous conduira à découvrir les différentes œuvres et productions et mieux comprendre comment Fernand Pouillon, qui se décrivait comme un homme de métier et qui s’est tenu continuellement à l’écart des débats de la profession, puisse démontrer à quel point l’invention et l’innovation en architecture peuvent surgir loin du fracas de la prétendue « théorie ».


Votre conférencier :

Mahdi Ouarab est architecte collaborateur de l’agence MLM. Diplômé à l’Ecole Polytechnique d’Architecture et d’Urbanisme (EPAU) d’Alger, il y enseigne les modules Histoire de l’Architecture et l’Atelier projet. Sensible à l’architecture de la première moitié du XXe siècle, il mène continuellement des travaux de recherche autour de la modernité algéroise des années 30-50.


Les dates à retenir :

1912 : Naissance de Fernand Pouillon.

1938-1942 : Formation à l’Ecole régionale des Beaux-Arts de Marseille.

1949 : Reconstruction du Vieux Port de Marseille.

1951-1953 : Construction de la résidence des 200 logements à Aix-en-Provence.

1953-1957 : Construction des cités Diar Es-Saada, Diar-el-Mahçoul et Climat de France, à Alger.

1954-1964 : Construction de deux gares en Iran.

1957-1963 : Construction de la résidence du Point-du-Jour à Boulogne-Billancourt.

1963 : Affaire de Point-du-Jour, condamnation à 3 ans de prison, radiation de l’ordre des architectes.

1966-1984 : Réalisation de plusieurs projets touristiques et universitaires à travers le territoire algérien.

1986 : Mort de Fernand Pouillon à Belcastel.


À lire pour aller plus loin :

Fernand Pouillon, Mémoires d’un architecte, Paris, Editions du Seuil, 1968.

Jean-Francois Lejeune et Michelangelo Sabatino [dir], Modern Architecture and the Mediterranean: Vernacular Dialogues and Contested Identities, Routledge, 2009.

Jean-Jacques Deluz, Le tout et le fragment, Barzakh, 2010.

Jean-Louis Cohen, Nabila Oulebsir et Youcef Kanoun, [dir], Alger. Paysage urbain et architectures. 1800-2000, l’Imprimeur, 2003.

Jean-Lucien Bonillo, Fernand Pouillon - Architecte méditerranéen, Imbernon, 2001.

Zeynep Çelik, Urban forms and colonial confrontations : Algiers under french rule, University of California Press, 1997.


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Mahdi Ouarab
03_Architecture contemporaine