Images de l’Espagne antique : la dame d’Elche, sculpture emblématique des Ibères
La péninsule Ibérique, qui ferme la Méditerranée vers l’Ouest mais est aussi une ouverture vers l’Atlantique, a participé de tous les mouvements qui ont traversé la Méditerranée depuis la fin de la Préhistoire. Très tôt, au IXème siècle les Phéniciens qui fondent Carthage s’établissent à Cadix et sur le littoral andalou. Au début du VIème siècle les Grecs de Phocée qui fondent Marseille en 600 av. J.-C. s’établissent à Ampurias.
La population ibère, entre le Nord-Est de la Péninsule et le détroit de Gibraltar qui accueille les marchands méditerranéens, développe du VIème au IIIème siècle une culture originale qui prend toutefois des formes différentes selon les régions. Les traits constants de la culture ibérique sont l’usage du fer, une langue propre qui n’appartient pas à l’ensemble indo-européen et qui pour son écriture a pioché dans l’alphabet phénicien. La céramique est avec la sculpture sur pierre un des reflets les plus caractéristiques de cette culture.
L’usage de la pierre tendre est un choix des sculpteurs ibères qui vont privilégier sujets animaliers et hybrides. Les schémas orientaux sont alors présents et quand le sujet est l’homme, ses attitudes sont hiératiques et aucune caractérisation individuelle ne nous éclaire sur son identité.
Tel est le cas avec la Dame d’Elche, un buste daté ente la fin du Vème et le début du IVème siècle, trouvé sur le site de La Alcudia, à 20 kms au Sud d’Alicante. Des éléments grecs sont bien intégrés dans le buste de la Dame mais l’œuvre est celle d’un artisan ibère avec son regard fixe, une légère dissymétrie, un dessin géométrique des plis des étoffes, autant de traits que l’on retrouve aussi dans les sculptures déposées dans le sanctuaire du Cerro de los Santos (Albacete), toutes richement dotées, elles aussi, de bijoux propres au répertoire ibérique.
Votre conférencier :
Historien de formation, Pierre Rouillard est Directeur de recherche émérite au CNRS. Ses travaux ont pour thèmes principaux les échanges économiques et culturels entre les Grecs, les Phéniciens et les Ibères dans l’Extrême-Occident de la Méditerranée du VIIIème au IVème siècle avant J.-C., les modalités d’installation des partenaires méditerranéens et les usages des vases grecs (fonctions primaires et détournements). Depuis cinq ans il poursuit des recherches sur Picasso et ses appropriations des œuvres antiques. Agrégé d’histoire, il est Docteur es lettres (Les Grecs et la péninsule Ibérique, VIIIème-IVème siècle av. J.-C.) et il a été membre du CNRS de 1977 à 2013, d’abord au Centre Pierre Paris à Bordeaux, puis dans l’équipe Archéologie et Sciences de l’Antiquité (Paris I-Paris Nanterre). Responsable de la Mission archéologique française à Alicante (Espagne), il a été directeur de la Maison René-Ginouvès, Archéologie et Ethnologie, Nanterre, UMS 844 (2000- 2012), président du Réseau National des Maisons des Sciences de l’Homme (2001 - 2005) et vice-Président délégué de l’Université de Paris Ouest Nanterre La Défense, Recherche et relations extérieures (2008-2012).
À lire pour aller plus loin :
Les Ibères (Catalogue de l’exposition, Grand Palais, Paris, Barcelone, Bonn), Paris, 1998.
Véronique Gérard Powel (dir.), L’art espagnol, Flammarion, 2001 (« Tartessiens, Ibères et Celtibères », par P. Rouillard, p. 16-29).
Pilar León, La sculpture des Ibères, Paris, L’Harmattan, 1998.
Marlène Albert-Llorca, Pierre Rouillard, La Dame d’Elche, Un destin singulier, essai sur les réceptions d’une statue ibérique, Madrid, Casa de Velázquez, 2020.