Tokyo, laboratoire de l’architecture contemporaine
Tokyo est sans doute l’une des métropoles les plus fascinantes pour observer les mutations de l’architecture contemporaine. Ville tentaculaire à la densité extrême, soumise à de forts risques sismiques, dépourvue de planification centralisée et marquée par une reconstruction constante, elle constitue un véritable laboratoire urbain. Un terrain d’expérimentation unique, où les architectes repoussent sans cesse les limites de l’habitat, de la spatialité et de la matérialité.
Parmi les quartiers emblématiques de cette effervescence architecturale, Ginza et Omotesando se distinguent tout particulièrement. Ces lieux incarnent une fusion saisissante entre tradition et modernité, mise en œuvre par des figures majeures de l’architecture contemporaine, qu’ils soient japonais ou occidentaux : Renzo Piano, Toyo Ito, Kengo Kuma, SANAA ou encore Jun Aoki.
À Ginza, la Maison Hermès, inaugurée en 2001 et signée Renzo Piano, se pare d’une façade en blocs de verre, telle une lanterne lumineuse suspendue dans la ville, à la fois symbole d’élégance et prouesse technique. Non loin de là, Toyo Ito imagine pour Mikimoto, en 2005, un bâtiment à la façade ponctuée d’ouvertures organiques, rappelant la douceur des perles et la teinte nacrée, évoquée par un revêtement d’acier rosé. En 2021, Jun Aoki crée pour Louis Vuitton une spectaculaire façade de verre ondulant, aux reflets dichroïques, évoquant subtilement le mouvement de l’eau.
Ces réalisations témoignent de la richesse et de la diversité de l’architecture tokyoïte, où chaque édifice raconte une histoire singulière tout en s’intégrant dans le tissu urbain dense et en perpétuelle mutation.
Mais au-delà du luxe et des grandes marques, Tokyo offre aussi un terrain fertile pour des projets plus modestes, à forte dimension sociale ou expérimentale. Le projet des Tokyo Toilets, par exemple, rassemble des signatures prestigieuses comme Tadao Ando ou Shigeru Ban – l’architecte du Centre Pompidou de Metz – pour réinventer, avec audace et humanité, les sanitaires publics.
Loin de l’image d’un Japon figé dans son passé, l’architecture contemporaine tokyoïte se révèle comme l’une des plus dynamiques et créatives au monde. Une architecture capable, dans un même élan, de réinterpréter la subtilité des structures traditionnelles que de déployer les formes les plus spectaculaires d’une métropole futuriste.
Votre conférencière :
Anne Vuillemard-Jenn est docteur en histoire de l’art, enseignante et chercheur indépendant. Membre du Groupe de Recherches sur la Peinture Murale, elle poursuit des recherches sur la polychromie architecturale et la peinture monumentale.
Les dates à retenir :
2001 : Inauguration de la Maison Hermès à Ginza, conçue par Renzo Piano.
2004 : Inauguration du bâtiment Tod's Omotesando, œuvre de Toyo Ito, avec sa façade en béton évoquant les branches d'un arbre, intégrant la nature dans le paysage urbain.
2005 : Achèvement du bâtiment Mikimoto Ginza 2 par Toyo Ito.
2006 : Achèvement du Dior Omotesando Building par SANAA, présentant une façade translucide qui diffuse une lumière douce, reflétant l'élégance de la marque.
2021: Achèvement du bâtiment Louis Vuitton Ginza Namiki, conçu par Jun Aoki.
À lire pour aller plus loin :
Yuki Sumner, Naomi Pollock, La Nouvelle architecture japonaise, Seuil.
Philippe Jodidio, Contemporary Japanese Architecture, Taschen.
Kengo Kuma, L’architecture naturelle, Arlé, 2020.
Kuma, Complete works. 1988-Today, Taschen, 2021.
Shigeru Ban. Complete works. 1988-Today, Taschen, 2024.