Une autre histoire de la chute de Rome - partie II

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En 376 après Jésus-Christ, une foule de Goths arrive sur les bords du Danube qui marquait alors la frontière entre l’Empire romain et le monde barbare. À peine parvenus sur les rives du grand fleuve, les Goths dépêchent des représentants auprès des autorités romaines, lesquelles s’interrogent : que veulent donc ces barbares ?

Une entrevue est organisée. Au cours de cette dernière, les députés goths supplient des Romains dubitatifs et méfiants d’accorder l’asile à leur peuple. Les Goths sont exténués, ils ont faim et surtout ils sont terrorisés. La voix tremblante, les Goths racontent que les Huns – qui les ont attaqués quelques mois auparavant - sont à leurs trousses. C’est pourquoi les Goths sont prêts à tout, pourvu que Rome les sauvent du grand péril qui les menace.

L’empereur hésite. Ses conseillers sont divisés : certains suggèrent de saisir cette opportunité inattendue pour en finir une bonne fois pour toute avec ces impossibles barbares. D’autres, au contraire, font valoir à Valens que les campagnes des Balkans manquent de bras. Pourquoi ne pas saisir ce cadeau de la Providence (Valens est chrétien) : ces réfugiés feront de parfaits paysans. Or, plus de paysans pour cultiver les domaines des grands propriétaires terriens signifie de meilleures récoltes. Et de meilleures récoltes rapportent plus d’impôts.

Après avoir tergiversé, Valens décide finalement d’accueillir les barbares dans l’Empire au nom de l’équilibre des comptes publics. Rome en a vu d’autres après tout. Sitôt la décision de l’Auguste signifiée aux gouverneurs militaires des provinces concernées, l’armée romaine fait passer des dizaines de milliers de personnes (guerriers, femmes, enfants et vieillards tous ensemble) sur le territoire de l’Empire.

Trente-quatre ans plus tard, à la fin du mois d’août 410, ces mêmes Goths (ou plus vraisemblablement leurs descendants, on mourait jeune en ce temps-là) s’emparent de Rome.

Faut-il en conclure que l’Empire romain a été détruit par ceux-là même qu’il a accepté d’accueillir ? En d’autres termes, la chute de Rome est-elle le résultat malencontreux d’une vaste opération humanitaire qui aurait échappé à tout contrôle ?

Bien évidemment, les millions de réfugiés qui se pressent aujourd’hui aux portes de l’Europe font de cette histoire vieille de plus de mille six cents ans un événement d’une brûlante actualité. Et ce d’autant plus que – implicitement le plus souvent, explicitement parfois – hommes politiques et journalistes vont puiser dans l’histoire de la chute de Rome des images et des références propres à séduire un électorat inquiet ou un lectorat volage…

Si l’Histoire ne se répète jamais, il arrive pourtant qu’elle bégaye parfois selon la belle formule de Maurice Druon.

Que peut donc nous apprendre l’étude de ce demi-siècle plein de bruits et de fureur ? Qui étaient vraiment les barbares ? Que voulaient-ils et quels étaient leurs liens avec Rome ? Et Rome ? Comment l’Empire a-t-il fait face à ce péril ? Avec quelles forces s’est-il défendu ? Quelles faiblesses l’ont miné (explosion des inégalités, fracture en la population et les élites, guerres civiles endémiques…) ?

Voici quelques-unes des questions auxquelles cette conférence en deux parties se propose de répondre en s’appuyant – entre autres - sur une source incomparable : le récit des évènements – parfois détaillé heure par heure ! – que rédigea le dernier des grands historiens romains, Ammien Marcellin.


Votre conférencier :

Laurent Lanfranchi est historien et directeur de Storia Mundi.