Les jardins persans

Image représentant la conférence  Les jardins persans

« En face du palais s’étendait un jardin sublime, révélant dans chacun de ses coins un paradis terrestre. » Attâr (c. 1140-1230).


Le jardin persan, au même titre que la miniature, la poésie, l’art du tapis, le chiisme ou le zoroastrisme, est une des manifestations de l’« âme de l’Iran ». Les premiers jardins seraient nés en Mésopotamie au Ve millénaire avant notre ère et auraient gagné le plateau iranien à l’époque de l’Empire perse achéménide au VIe siècle avant notre ère. Le goût marqué des souverains perses pour les jardins fut souligné par Hérodote et Xenophon qui les décrivirent comme des lieux où l’esthétique fusionnait avec le politique. Chez les Perses, pour qualifier un vaste jardin on disait « pairi-daeza » soit un espace clôturé et planté, soustrait au monde ordinaire, le mot « paradis » vient de là. Le premier jardin achéménide identifié fut celui de la première capitale de l’empire perse, la ville de Pasargades. Là, un vaste « paridaisa » (paradis) structurait la ville royale. Dessiné selon un plan ne laissant rien au hasard, ce jardin se composait de vastes parcelles plantées d’essences variées parcourues par un réseau rectiligne de canalisations de pierre, et sur le pourtour de ce gigantesque jardin des palais et des pavillons de plaisance avaient été disposés. Ainsi naquît le jardin persan classique, le « chahar-Bagh » (quatre jardins) c’est-à-dire un jardin quadripartite irrigué, en accord intime avec l’architecture, et dont la renommée s’étendra plus tard jusqu’à l’Inde des Grands Moghols. Ce succès ininterrompu résulta sans doute de la forte valeur politique associée au jardin en Orient depuis son apparition. Car le jardin fut perçu d’abord comme l’équivalent d’un monde en réduction, gouverné par un « roi-jardinier », devenu maître de la nature et garant d’une fécondité sans limites. Mais avec la conquête musulmane, le jardin persan allait s’enrichir d’une autre signification, celle de la promesse du paradis coranique, que le texte sacré décrit comme un jardin irrigué par quatre rivière sacrées où coulent le lait, le miel, le vin et l’eau et dans lequel la beauté est partout ! Dès lors, une détachement méditatif accompagna l’expérience du jardin persan, « un grand silence » écrira le poète soufi Saadi au XIIIe siècle. Car pour le mystique, le jardin était moins un lieu de promenade ou d’exploration, qu’un lieu de contemplation, capable de produire un état d’extase chez le visiteur, de bouleverser ses sens, comme la poésie. S’il est resté un monde habité par les symboles et la poésie, aujourd’hui, le jardin persan est avant tout devenu un lieu raffiné de sociabilité, de rencontres et de sensualité. Au fond, tout cela est compatible…


Votre conférencier :

Diplômé de l’École du Louvre et de l’université Paris-IV-Sorbonne, Fabrice Delbarre est Guide conférencier-national.


Les dates à retenir :

IIIe millénaire avant notre ère : un vaste jardin est relié au palais du souverain de l’empire d’Akkad (Irak).

VIe siècle avant notre ère : Cyrus le Grand (55I-331 av. n.è) fonde la ville de Pasargades organisée à partir d’un vaste jardin (« paradaisos »).

IXe siècle : les jardins du Palais abbasside de Samarra (Irak) sont dessinés sur le modèle d’un « paradis » perse.

Xe : les jardins du palais d’Abd al Rahman III à Mâdinat al-Zahra près de Cordoue témoignent eux aussi d’influences persanes.

XIVe siècle : Ruy Gonzales de Clavijo, ambassadeur castillan, décrit les vastes jardins (« chahâr-bâgh ») de Samarcande, la capitale de l’Empire timouride.

XVIe siècle : Bâbur, le descendant de Tamerlan, est chassé de Samarcande. Il fonde en Inde du nord, l’Empire des Grands Mogols et importe le goût des jardins persans.

Milieu du XVIe siècle, 1530, le célèbre jardin de Fin, près de Kashan est créé par les souverains safavides.

Fin du XVIe siècle : Shah Abbas le Grand (1587-1629), souverain safavide, choisit Ispahan comme capitale de son Empire et la transforme en une ville-jardin.

XVIIe siècle : construction du Tadj Mahal (1631-1648) par le souverain mogol Shâh Jahân. Le mausolée de marbre du souverain est associé à un gigantesque « chahar bagh » funéraire.

2011 : classement au patrimoine mondial de l’UNESCO de neuf jardins situés en Iran.


A lire pour aller plus loin :

Michel Baridon, Les Jardins. Paysagistes, jardiniers, poètes, Bouquins, Paris, 1998.

Georges Michell, Amit PASICHA, Architecture et jardins moghols, Paris, 2013.

Yves Porter, Arthur Thevenard, Palais et jardins de Perse, Paris, 2002.

« Jardins d’Orient. De l’Alhambra au Taj Mahal », Paris, 2016. Catalogue de l’exposition organisée à L’institut du Monde Arabe en 2016.


Visioconférence en VOD

Fabrice Delbarre
02_Histoire de l’art