Tallinn, joyau médiéval de l'Estonie
Les premières traces d'occupation humaine du site aujourd'hui occupé par Tallinn sont difficiles à déterminer. Si l'archéologie a mis au jour des artefacts vieux de plusieurs milliers d'années, cela n'implique pas la formation précoce d'un noyau urbain. Toutefois, sachant la situation stratégique du site à l'entrée du golfe de Finlande, avec les potentiels commerciaux et militaires qui s'ensuivent, l'intérêt pour une implantation pérenne ne pouvait que croître au fil des siècles.
Des sources écrites laconiques font mention d'un premier fort établi in situ par les Estoniens au milieu du XIIème siècle. Chez le célèbre géographe arabe Al Idrissi, ce lieu se nomme Kolovan, mais la véracité des informations dont il disposait semble hypothétique. Quelques décennies plus tard, au début du XIIIème, dans le contexte des croisades baltes qui voient l'implication armée d'Européens occidentaux dans la christianisation forcée des populations des rivages orientaux de la mer Baltique, le Danemark joue un rôle prépondérant en Estonie. En 1219, le roi Valdemar II débarque avec son armée et remporte une victoire importante : la bataille de Lindanise (ou Lyndanisse), un nom faisant référence à la citadelle où les forces estoniennes étaient retranchées. Tirant profit de leur victoire, les Danois construisent sur place un fort le Castrum Danorum qui se traduit en estonien par Taani-linna, soit le « fort » ou « la ville des Danois ». C'est de cette appellation que dérive vraisemblablement le nom actuel de la cité, faisant de l'intervention danoise l'acte fondateur de la capitale estonienne.
L’arrivée des Danois intègre rapidement le territoire nouvellement conquis dans les réseaux commerciaux de la mer baltique. La ville, son port, et, vers l'intérieur, la région de Revala, s'affirment ainsi comme un passage privilégié pour les marchandises à destination de l’actuelle Russie, Novgorod particulièrement, comme pour celles qui en sont exportées vers les marchés occidentaux. Les principaux acteurs de ce dynamisme économique sont des marchands et commerçants allemands qui sont nombreux à venir s'installer sur place. Progressivement, le tropisme germanique se fait de plus en plus ressentir, en particulier après l'intégration de Tallinn intègre dans la puissante Ligue Hanséatique à la fin du XIIIème siècle. Enfin, achevant ce processus, en 1346, le roi du Danemark Valdemar IV cède pour 19.000 livres d'argent l'ensemble de ses possessions estoniennes à l'Ordre des chevaliers Teutoniques. Ces derniers baptisent alors la ville Reval, une dénomination qu'elle va conserver jusqu'au début du XXème siècle.
C'est à la noblesse germano-balte que Reval–Tallinn doit son développement et son remarquable patrimoine : palais, édifices religieux, fortifications, etc. Cette noblesse comme les membres des guildes marchandes imposent également leur culture, et la langue allemande est celle de la majorité de la population. Les dominations successives des Suédois, puis des Russes, ne changent pas la physionomie de la ville. Mais un bouleversement se déroule dans le courant du XIXème siècle avec l'éveil de la conscience nationale des Estoniens qui aboutit le 24 février 1918 à la création de la République d'Estonie. La proclamation se tient dans la capitale du nouvel État, Tallinn qui prend dès lors officiellement l'appellation qu'on lui connaît aujourd'hui.
Votre conférencier :
Après une formation universitaire en histoire et en socio-anthropologie, Arnaud Hédouin se consacre à l'activité de guide-conférencier. À ce titre, il accompagne des groupes à l'étranger depuis plus de vingt ans avec l'ambition de faire découvrir l'histoire, la culture mais aussi les structures sociales des pays visités.
Les dates à retenir :
1154 : construction d'une forteresse sur la colline de Toompea.
1219 : bataille de Lyndanisse. Prise de possession de la ville par les Danois qu'ils nomment Taani linn (« ville des Danois »).
1284 : reval intègre la Ligue Hanséatique.
1346 : rachat par l'ordre des Chevaliers Teutoniques.
1629 : domination suédoise.
1710 : conquête par le tsar russe Pierre le Grand.
1880 : festival estonien de la Chanson (Laulupidu) à Tallinn.
1918 : indépendance de l'Estonie avec Tallinn pour capitale dont le nom se substitue à celui de Reval.
1997 : classement du centre ville au patrimoine mondial par l'Unesco.
2011 : Tallinn capitale européenne de la culture.
À lire pour aller plus loin :
Vincent Dautancourt (2016) La ville de Tallinn : les ambitions et les enjeux géopolitiques d’une « petite » capitale européenne, Thèse de doctorat de géographie, mention géopolitique, Université Paris VIII – Saint-Denis.
Raino Pullat (2009) History of Old Tallinn, Estopol, Tallinn.
Jean-Pierre Minaudier (2007), Histoire de l’Estonie et de la nation estonienne. L'Harmattan, Paris.
Suzanne Champonnois et François de Labriolle (1997) L'Estonie, Khartala, Paris.
Toomas Hiio (2019) « On the Historical Identity of the Estonians and the Politics of Memory in Estonia », in Institute of National Remembrance Review, n°1, Varsovie.