La peinture de paysage en Russie

Image représentant la conférence  La peinture de paysage en Russie

« Il n’y avait rien au-dessus de sa tête, sinon le ciel - un ciel haut, sans éclat, mais tout de même, d’une hauteur incommensurable et dans lequel flottaient doucement des nuages gris »

Léon Tolstoï, «Guerre et Paix »

Dans la peinture russe, le paysage est un genre majeur et constitue un des apports marquants de l’art russe au XIXe siècle. Sa singularité ? Elle est liée à sa diversité, au talent de ses peintres - la plupart sont peu connus en Europe - mais aussi à sa proximité avec la littérature et la poésie dont elle partage la passion pour la nature vivante et sa contemplation. Pour le dire autrement, la peinture de paysage serait un autre miroir de l’ « âme russe. »

Pourtant, il n’en fut pas toujours ainsi. Au milieu du XVIIIe, la peinture de paysage stagnait encore au bas de l’échelle des genres picturaux, loin derrière la peinture d’histoire. Et pour de nombreux artistes, les paysages de la Russie étaient un peu trop plats et « maigres » pour stimuler leur créativité ! La Toscane était plus voluptueuse.

Faut-il rappeler que le paysage russe se définit pas son immensité, ses plaines steppiques à peine vallonnées et ses routes qui s’étirent sans fin ? S’attacher à la représentation d’une telle platitude, dépourvue de pittoresque était en soi un pari hasardeux.

Pourtant, un siècle plus tard, tout avait changé…

Le premier écrivain russe qui préféra aux somptueux paysages idylliques de l’Italie le modeste décor de la Russie fut le grand Alexandre Pouchkine : « Ce qui semblait trivial aux poètes qui l’avaient précédé semblait à Pouchkine plein de noblesse » écrira Nicolas Gogol. Tout est dit…

Dès lors, les paysagistes célébreront la terre de Russie, l’immensité de ses espaces, sa steppe infinie, ses saisons successives, sa nature purificatrice. Désormais le paysage russe symbolisera autant la liberté que l’amour pour la Mère-patrie, l’orgueil national et l’unité ! Cette qualité identitaire attachée à la peinture de paysage en Russie jamais ne fléchit. Et toujours, la littérature fut un stimulant pour les peintres et à la fin du XIXe siècle ce sera l'esprit des oeuvres de Tourguenev, Nakrassov, Tolstoï, Tchekhov dans lesquelles souvent l’aspect purificateur du paysage s’oppose aux vaines ambitions des héros qui seront admirées par les peintres. En définitive, c’est aussi grâce à la contemplation de la peinture de paysage de cette époque que les artistes et les regardeurs apprirent à la fois à mieux connaître la vie du peuple, la Russie elle-même et sans doute à philosopher un peu.

Pour finir, on citera les noms de quelques uns des grands peintres russes de paysage qui illustreront cette conférence : Venetsianov, Savrassov, Kouïndji, Chichkine, Répine, Levitan, Korovine…


Votre conférencier :

Diplômé de l’École du Louvre et de l’université Paris-IV-Sorbonne, Fabrice Delbarre est Guide conférencier-national.


A lire pour aller plus loin :

Collectif, Magie du paysage russe, catalogue exposition Musée cantonal des Beaux-arts, Lausanne, 2014

Collectif, L’art russe dans la seconde moitié du XIXe siècle : en quête d’identité, Catalogue d’exposition, Musée d’Orsay, 2005

Collectif, Ilya Répine, peindre l’âme russe, Catalogue d’exposition, Musée du Petit-Palais, 2021