La peinture de la Renaissance rhénane : entre l'Italie et les Flandres, histoire d'une Renaissance oubliée

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A la fin du Moyen Age, le Rhin supérieur offre un terrain propice aux échanges culturels. L’Europe du Nord connait de profonds changements entre 1450 et 1600 dans le domaine artistique et voit se développer ce que l’on a décrit comme la Renaissance du Nord. Entre Flandres et Italie, les pays germanophones ont alors développé une école artistique singulière. En effet, jusqu’au XVIème siècle, les ornements gothiques se mêlent à un traitement pourtant renouvelé de la figure humaine. C’est ce que l’on peut observer dans les différentes villes le long du Rhin, lieu de brassage et de circulation des hommes et des oeuvres. Matthias Grünewald en est un exemple particulièrement frappant à travers le retable d’Issenheim qui témoigne d’une expressivité exacerbée avec des figures contorsionnées se déployant dans un cadre encore lié à l’esthétique du gothique tardif. Si son contemporain Albrecht Dürer demeure l’artiste le plus renommé de la Renaissance du Nord mais est attaché à son atelier de Nuremberg, son art influença néanmoins toute une génération d’artistes, notamment à travers ses nombreuses gravures largement diffusées à travers l’Europe, et lui-même s’est rendu à Colmar et Bâle sur les traces de Schongauer. A Strasbourg, Hans Baldung Grien, élève de Dürer, développe un art très personnel au sein duquel se mêlent de nombreuses sorcières et autant d’allégories de la mort. A Bâle, berceau de l’Humanisme rhénan, Holbein le Jeune, se nourrit d’influences diverses, réalisant une synthèse saisissante de la peinture de l’Europe du Nord et de la peinture italienne.

L’imprimerie, inventée vers 1450 joue un rôle prépondérant pour la diffusion des textes mais aussi des images liées à la culture humaniste qui se développe au cœur des universités allemandes. Les artistes replacent l’Homme au centre de leurs préoccupations. L’influence de la Réforme entraîne également de profondes mutations dans les arts. Les images dévotionnelles cèdent la place à des sujets profanes. Le portrait connaît notamment un grand développement, témoignant d’une affirmation de la conscience de soi. Les artistes ont dû s’adapter à ces nouvelles demandes et parfois se déplacer de ville en ville pour trouver de nouveaux commanditaires.

Enfin, l’art du peintre se manifeste aussi au cœur de l’espace public, de façon spectaculaire, avec Hans Holbein à Bâle et plus tard Tobias Stimmer à Strasbourg à travers des façades peintes au sein desquelles les formes gothiques cèdent peu à peu la place à un nouveau répertoire formel. Ces représentations en grand format témoignent de la polyvalence de ces artistes pouvant réaliser un tableau mais aussi un projet de décor de façade ou encore un carton pour des vitraux.


Votre conférencière :

Anne Vuillemard-Jenn est docteur en histoire de l’art, enseignante et chercheur indépendant. Membre du Groupe de Recherches sur la Peinture Murale, elle poursuit des recherches sur la polychromie architecturale et la peinture monumentale.


Les dates à retenir :

1471-1528 : naissance et mort d’Albrecht Dürer.

Autour de 1480-1528 : naissance et mort de Matthias Grünewald.

1484/85-1545 : naissance et mort de Hans Baldung Grien.

Vers 1497-1543 : naissance et mort de Hans Holbein le Jeune.

1539-1584 : naissance et mort de Tobias Stimmer.

1517 : Martin Luther publie ses 95 thèses.

1547 : publication en allemand du Quatrième Livre de Serlio.

1555 : la paix signée à Augsbourg consacre la division religieuse de l'Allemagne entre catholiques et luthériens.


À lire pour aller plus loin :

Roland Recht, Le Rhin, Vingt siècles d’art au cœur de l’Europe, Paris, Gallimard, 2001.

Emmanuelle Brugerolles (dir.), Albrecht Dürer et son temps : De la Réforme à la guerre de trente ans, Paris, École nationale des beaux-arts de Paris, 2012.

Craig Harbison, La Renaissance dans les pays du Nord, Flammarion, 1995.

Giulia Bartrum, German Renaissance Prints, 1490–1550, British Museum Press, 1995.

Marianne, Bournet-Bacot, Le portrait de couple en Allemagne à la Renaissance. D’un genre au genre, Presses Universitaires de Rennes, 2015.

Anne-Marie Bonnet, Gabriele Kopp-Schmidt, Die Malerei der deutschen Renaissance, Schirmer-Mosel, 2019.