Le maccarthysme

Image représentant la conférence  Le maccarthysme

En février 1950, un obscur sénateur du Wisconsin surgit sur la scène nationale, à l’occasion d’un discours dans une ville perdue de Virginie occidentale : Wheeling. Son nom ? Joseph McCarthy. Un patronyme qui va se transformer en nom commun pour désigner une des périodes les plus sombres de l’histoire des États-Unis : le maccarthysme.

Deux-cent cinq communistes, affirme-t-il, sont infiltrés au Département d’État au vu et au su de l’administration Truman. Qu’importe qu’il ne soit pas capable d’en fournir la liste. En pleine guerre froide, l’accusation porte. De 1950 à 1954, les États-Unis sont pris d’une folie accusatoire qui n’épargne aucun secteur. Les commissions se multiplient. On voit des communistes partout : dans les écoles, dans les médias, dans les syndicats, dans les centres de recherche… Il faut peu de choses pour être accusé. Nul besoin d’être membre du parti communiste, ni d’avoir agi. Une adhésion à une organisation considérée comme sympathique au communisme suffit. Une simple opinion colportée par la rumeur aussi. Les listes noires s’allongent. Certains y perdent leur travail, leur réputation, leurs amis.

McCarthy est-il seul responsable de cette fièvre ? Certainement pas. Il faut remonter plusieurs décennies en arrière pour trouver les origines de cette angoisse collective de la subversion qui autorise tous les excès. Depuis la révolution d’Octobre, les États-Unis s’inquiètent de la diffusion d’une doctrine considérée comme étrangère et contraire à l’américanité, tout comme de l’infiltration, bien réelle, d’espions à la solde de Moscou.

Et d’ailleurs, le sénateur McCarthy est-il véritablement anticommuniste ? Rien n’est moins sûr. Il ne l’est peut-être pas aussi viscéralement que certains de ses contemporains, tels les futurs présidents Richard Nixon et Ronald Reagan. Mais il n’a pas grand-chose à son actif pour assurer sa réélection en 1952. Il lui faut un sujet porteur. Au moment où les Américains voient les Russes développer l’arme atomique et Mao prendre le pouvoir en Chine, l’anticommunisme en est un. Dans ces circonstances, personne n’ose s’opposer à ce politicien dépourvu de scrupules, opportuniste, menteur et de plus en plus alcoolique, qui passera à la postérité non pas comme le sauveur de la Nation qu’il a prétendu être, mais comme le champion toutes catégories de la démagogie.


Votre conférencier :

Didier Combeau, agrégé et docteur en civilisation américaine, est essayiste et spécialiste des États-Unis. Ses recherches portent sur les questions de violence et plus généralement sur la politique intérieure. Il a notamment publié Des Américains et des armes à feu : démocratie et violence aux États-Unis (Éditions Belin) et Polices Américaines (Gallimard). Son dernier ouvrage, Être Américain aujourd’hui : les enjeux d’une élection présidentielle, est paru en juin 2020 aux éditions Gallimard.


Les dates à retenir :

1917-1920 : première « Peur du rouge » : rafle et déportation des étrangers soupçonnés de bolchevisme.

1938 : création par la Chambre des représentants de la commission Dies, qui va devenir l’House Un-American Activities Committee (HUAC).

1946 : « Long télégramme » du diplomate George Kennan au département d’État et discours du « Rideau de fer » de Winston Churchill à Fulton (Missouri) : début de la guerre froide.

1947 : le président Truman expose la doctrine de l’« endiguement » pour contrer l’expansion communiste. Procès des « Dix de Hollywood », accusés de sympathies communistes et déclaration du Waldorf : les studios cinématographiques s’engagent à ne pas employer de communistes.

1949 : les soviétiques conduisent les premiers essais atomiques. « Perte » de la Chine, où Mao Zedong prend le pouvoir.

1950 : discours du sénateur Joseph McCarthy à Wheeling (Virginie occidentale), qui dénonce la présence de 205 communistes au Département d’État. Arrestation de Julius et Ethel Rosenberg, accusés d’espionnage : le couple sera exécuté en 1953. Condamnation du diplomate Alger Hiss, soupçonné lui aussi d’espionnage.

1952 : réélection de McCarthy au Sénat. Eisenhower est élu président.

1954 : censure de McCarthy par le Sénat.

1957 : décès de Joseph McCarthy à l’âge de 47 ans, d’une maladie du foie.

1975 : le House Un-American Activities Committee, devenu Committee on Internal Security, est supprimé.


À lire pour aller plus loin :

Marie-France Toinet, La chasse aux sorcières : le maccarthysme, Éditions Complexe, 1984.

Richard M. Fried, Nightmare in Red: The McCarthy Era in Perspective, Oxford University Press, 1990.

H.W. Brands, The Devil we Knew: Americans and the Cold War, Oxford University Press, 1996.

Visioconférence en VOD

Didier Combeau
01_Histoire