Les Fugger, symboles du capitalisme rhénan (1450-1550)

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Cette conférence se propose d’étudier les Fugger à la fois comme représentants majeurs du capitalisme rhénan tel qu’il se construit au cours des XVème et XVIème siècle et comme symboles de celui-ci voire d’une époque entière, puisque l’historiographie les a longtemps érigés comme tels. Il est vrai qu’au-delà des figures majeures de Jakob l’Ancien (1408-1469), Jakob de Riche (1459-1525) puis d’Anton (1493-1560), les Fugger apparaissent comme une large lignée, dont le positionnement social dépasse, et de beaucoup, le champ des affaires. Celui-ci est d’ailleurs, à Augsbourg et plus largement en Haute Allemagne, loin de se réduire à un seul lignage, y compris si l’on restreint la focale aux acteurs les plus considérables.

L’envergure économique des Fugger, et en particulier par la lignée dite « du lys », permet toutefois, via un panorama de ses affaires, de saisir des pans entiers de l’économie de l’Europe continentale – du commerce, traditionnel, du textile, aux investissements capitalistes dans les mines, en passant par un positionnement nouveau dans l’ouverture globale des marchés via le négoce des épices ou celui des esclaves. Elle témoigne aussi des liens étroits entre l’ascension de ces négociants et leur soutien à la dynastie des Habsbourg, dont le pouvoir prend une nouvelle ampleur avec l’arrivée de Charles Quint au sur le trône de Castille puis son élection à la dignité impériale. Unis dans la défense du catholicisme, Fugger et Habsbourg se défient cependant d’interdépendances trop étroites. Elle atteste enfin de l’originalité capitalistique, financière et technique d’une économie centre-européenne qui, au XVème et dans la première moitié du xvie siècle, participe activement à l’ouverture européenne et extra-européenne des échanges.

La richesse et le positionnement original des Fugger dans la société urbaine, où ils sont nobles avant d’être patriciens, catholiques fervents dans un monde tourmenté par la Réforme, et dépourvus, à la différence d’autres lignages marchands, du moindre pouvoir politique, font enfin de l’histoire de la famille une entrée possible dans l’histoire des cultures humanistes et chrétiennes de cette « seconde Italie » au Nord des Alpes.


Votre conférencier :

Maitre de conférence à l’IDHES, Université Paris Nanterre. Spécialiste d’histoire sociale et économique de l'Europe du Nord-Ouest au XVIIème-XVIIIème siècles (réseaux marchands, mondes industriels), et d’histoire du Saint-Empire du XVIème au XVIIème siècle.


Les dates à retenir :

1367 : Hans Fugger, tisserand, devient bourgeois à Augsbourg.

1455 : séparation de la famille en deux branches, les Fugger du lys (von der Lilie) et du chevreuil (vom Reh).

1478 : débuts attestés de l’implication de la famille Fugger dans les affaires minières.

1507 : achat de comtés et seigneuries foncières par les Fugger.

1519 : élection de Charles Quint au trône impérial.

1525 : mort de Jakob Fugger le riche ; le bilan de l’entreprise familiale indique un bilan de 1,8 millions de florins.

1534 : le conseil d’Augsbourg proclame sa compétence en matière religieuse.

1538 : ouverture du patriciat augsbourgeois à 38 nouvelles familles, dont les Fugger.

1546 : le bilan de l’entrepris familiale atteint 5 millions de florins.

1628 : une épidémie de peste fait 9000 morts à Augsbourg ; la population de la ville, qui était de plus de 40 000 habitants au début de la guerre de Trente ans, est inférieure à 17 000 habitants.


À lire pour aller plus loin :

Die Fugger im Bild. Selbstdarstellung einer Familiendynastie der Renaissance, Luzern, Quaternio, 2010.

Philippe Braunstein, Un banquier mis à nu. Autobiographie de Matthäus Schwarz, bourgeois d'Augsbourg, Paris, Gallimard (Découvertes Gallimard Albums), 1992.

Richard Ehrenberg, Le Siècle des Fugger, Paris, SEVPEN, 1955 (original paru en allemand en 1896).

Mark Häberlein, The Fuggers of Augsburg: pursuing wealth and honor in Renaissance Germany, Charlottesville, University of Virginia Press, 2012 (original paru en allemand en 2006).

Pierre Jeannin, Change, crédit et circulation monétaire à Augsbourg au milieu du XVIème siècle, Paris, EHESS, 2001.