Introduction à la peinture persane

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Fleuron d’une culture royale et princière, la peinture persane est un art du livre, qui s’est principalement épanoui entre la fin du XIIIème siècle et le XVIIème siècle, dans les cités majeures du monde iranien comme Tabriz, Herat (aujourd’hui en Afghanistan), Ispahan, Qazvin ou Chiraz. Peinte à la gouache sur papier, enclose dans de précieux codex copiés à la main, elle est une œuvre collective dirigée par des grands maîtres, dont certains (Junayd, Behzâd, Soltân Muhammad, Reza ‘Abbâsi) ont laissé une empreinte forte sur l’histoire de la peinture iranienne. Au sein d’ateliers très organisés, le calligraphe, le peintre, l’enlumineur et le relieur s’unissent pour écrire et illustrer les chefs-d’œuvre littéraires de la Perse musulmane, au contenu épique, sapientiel ou soufi. Deux textes ont été particulièrement illustrés : l’épopée du Livre des rois de Ferdowsi (XIème siècle), racontant la geste héroïque et l’histoire le plus souvent mythique des rois et héros de l’Iran préislamique, et le Khamseh de Nezâmi (XIIème siècle), un ensemble de cinq romans versifiés comprenant notamment des histoires d’amour célèbres (Leyli et Majnun, Khosrow et Shirin, Les Sept portraits). Au tournant du XVIème-XVIIème siècle, sous le règne des Safavides, se développèrent des peintures de genre sur des feuilles isolées. Synthèse somptueuse de couleurs, au lyrisme calligraphique et aux compositions sophistiquées, l’alchimie esthétique des « miniatures » a uni plusieurs sources entre Occident et Extrême-Orient : aux héritages spécifiquement proche-orientaux s’est mêlée l’influence de la peinture chinoise apportée par les Mongols au XIIIème siècle, de l’image byzantine et de l’iconographie manichéenne et bouddhique d’Asie centrale. Dans un monde musulman qui a banni les images des arts rituels et sacrés (corans et mosquées), la peinture persane reflète la complexité unique d’une culture moyen-orientale à la fois aristocratique et mystique, islamisée et iranienne, courtoise et contemplative. La diffusion de l’imprimerie, dès le début du XIXème siècle, a progressivement mis fin à l’art des manuscrits à peintures, et c’est au cours du XXème siècle que la peinture persane a été progressivement redécouverte dans sa richesse à la fois visuelle et symbolique.


Votre conférencier :

Patrick Ringgenberg est historien de l'art, historien des religions et photographe. Né en 1970 à Lausanne, il est diplômé de la Haute École d'Art et de Design (HEAD) de Genève, diplômé en sciences religieuses de l’École Pratique des Hautes Études (Paris-Sorbonne), docteur en histoire de l'Université de Genève. Il est chercheur associé à l'Institut d'histoire et anthropologie des religions, à l’Université de Lausanne, et donne un cours sur l'Iran contemporain à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne, où il a été responsable des projets de collaboration scientifique entre l'EPFL et des universités iraniennes. Il est l'auteur de plusieurs livres et articles sur les arts islamiques, médiévaux, byzantins et extrême-orientaux, la culture iranienne et l'histoire des religions. Ses ouvrages sur l'iranologie comprennent une introduction au Livre des Rois de Ferdowsi, plusieurs livres sur la ville sainte de Mashhad et l'architecture persane, ainsi que deux livres d’ensemble sur la civilisation iranienne et l'Iran moderne : le Guide culturel de l'Iran (1re édition 2006) et Comprendre l'Iran (2021). Il est l’auteur d’une étude philosophique sur la peinture persane (La peinture persane ou La vision paradisiaque, 2006) et a contribué, aux éditions Diane de Selliers, à la publication de la traduction de Leyli et Majnûn de Jâmi illustré par les miniatures d’Orient (2021).


Les dates à retenir :

940-1019 ou 1025 : Ferdowsi, poète du Livre des rois, l’un des livres les plus copiés et illustrés dans la peinture persane.

1141-1209 : Nezâmi, auteur du Khamseh, un ensemble de cinq romans versifiés abondamment illustrés.

XIIIème siècle : les Mongols, en Iran, apportent l’influence de la peinture de paysage chinoise.

XIVème-début du XVIIème siècle : épanouissement de la peinture sur codex, illustrant des textes poétiques.

Fin du XIVème siècle : Junayd, peintre (Irak).

1465-1535 : Behzâd, peintre.

1501-1722 : la dynastie safavide patronne un âge d’or de la culture persane (architecture, peinture, calligraphie, tapis).

Années 1520-1530 : le Livre des rois de Shâh Tahmâsp, chef d’œuvre du manuscrit illustré.

Vers 1565-1635 : Reza ‘Abbâsi, peintre de l’école d’Ispahan.

1859 : achèvement du dernier grand manuscrit à peintures (une copie des Mille et une Nuits).


À lire pour aller plus loin :

BARRY Michael, L’art figuratif en Islam médiéval et l’énigme de Behzâd de Hérât (1465-1535), Paris : Flammarion, 2004.

CANBY Sheila R. (éd.), Le Shâhnâmè de Shah Tahmasp. Le livre des rois, traduit de l’anglais par Odile Menegaux, Paris : Citadelles et Mazenod, 2014.

GRABAR Oleg, La peinture persane. Une introduction, Paris : P.U.F., 1999.

RINGGENBERG Patrick, Leyli et Majnûn de Jâmi illustré par les miniatures d’Orient, avec Leili Anvar et Amina Taha-Hussein Okada, Paris : Diane de Selliers, 2021.

RINGGENBERG Patrick, Peindre l’Invisible. Images sacrées d’Orient et d’Occident, [réédition en un volume de L’art chrétien de l’image, La peinture persane et L’union du Ciel et de la Terre], Paris : Les Deux Océans, 2018.

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Patrick Ringgenberg
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