Le Palazzo Pubblico de Sienne et les trésors de la peinture siennoise
Dans l’Italie du XIVe siècle, Sienne brille d’un éclat particulier. Vieille cité d’origine étrusque, puis colonie romaine, Sienne devint au moyen-âge, grâce à sa situation privilégiée sur la route du pèlerinage vers Rome, une grande ville de commerce et de banque. Ses financiers étaient alors les banquiers du pape ! Cette réussite, Sienne l’exposa dans son urbanisme et en particulier dans le « Palazzo Pubblico », le palais communal où siégeait un gouvernement démocratique et indépendant. Pour y accéder, il fallait se mouvoir dans les méandres et les ruelles d’une ville qui ignorait la ligne droite. On débouchait alors sur une grande place ressemblant à un amphithéâtre - le Campo - dont la courbe extérieure était délimitée par des façades de palais toutes identiques. Au centre du dispositif, sur la scène de ce grand théâtre pour ainsi dire, un large bâtiment en pierre et en brique trônait, couronné par une tour culminant à plus de cent mètres de hauteur ! Ici battait le cœur politique et symbolique de Sienne. Rien n’avait été laissé au hasard, et pour cause, car dans une société où le cérémonial civique était très important, le Palazzo Pubblico devait exprimer la fierté, le prestige, les valeurs de Sienne et cela nécessitait de la splendeur. Mais l’architecture n’était qu’un prologue car la démonstration se poursuivait à l’intérieur du bâtiment sous la forme d’une succession de salles décorées de peintures murales confiées aux plus grands artistes du XIVe dont Simone Martini et Ambrogio Lorenzetti. Le premier, y réalisa en 1315, une Vierge entourée des saints et des anges considérée comme l’une des oeuvres les plus importantes de la peinture italienne du Trecento. Quant à Ambrogio Lorenzetti, en 1338, il réalisa une fresque fascinante, dans la salle où se réunissaient le Conseil des Neuf, alors en charge de l’administration de la république de Sienne : Les effets du bon et du mauvais gouvernement. Le propos ? La comparaison entre un bon et un mauvais gouvernement et l’illustration de leurs effets respectifs sur la société et sur la vie des gens ! Autant par son propos universel que par le pinceau d’Ambrogio Lorenzetti - cette peinture est considérée comme l’une des premières grandes oeuvres civiles de l’histoire de l’art. Et sept siècles après sa réalisation, elle continue à nous parler et à nous alerter depuis le Palazzo Pubblico de Sienne.
Votre conférencier :
Diplômé de l’École du Louvre et de l’université Paris-IV-Sorbonne, Fabrice Delbarre est Guide conférencier-national.
Les dates à retenir :
XIIe siècle : Sienne devient une cité libre et indépendante.
1260 : Sienne bat Florence lors de la bataille de Montaperti.
Fin du XIIIe siècle début des travaux du Palazzo Pubblico de Sienne.
1287 : le Gouvernement des Neuf administre la République de Sienne (jusqu’en 1355).
1315 : Simone Martini réalise la « Maesta entourée de saints et d’anges ».
1338 : Ambrogio Lorenzetti peint l’ « Allégorie du bon et du mauvais gouvernement ».
1348 : décès d’Ambrogio Lorenzetti lors de la grande peste
1413 : Taddeo di Bartolo peint les Allégories et Figures de l'histoire romaine au Palazzo Pubblico.
1419 : achèvement de la fontaine Gaia par Jacopo della Quercia sur la place du Palazzo Pubblico.
1995 : classement du centre historique de Sienne au patrimoine de l’UNESCO.
2021-2023 : restauration des fresques d’Ambrogio Lorenzetti.
À lire pour aller plus loin :
Arasse, Daniel, L’homme en perspective, les primitifs d’Italie, 2008, Hazan.
Boucheron, Patrick, Conjurer la peur. Sienne 1338. Essai sur la force politique des images.
Frugoni, Chiara, Pietro et Ambrogio Lorenzetti, Scala, 1995.
Randolph Starn, Ambrogio Lorenzetti, le Palais communal, Sienne, Hazan, 1995.