Histoire d’une œuvre : Guernica de Pablo Picasso
Non, la peinture n’est pas faite pour décorer les appartements, c’est un instrument de guerre offensive et défensive contre l’ennemi. (Pablo Picasso, 1945)
Une toile de 3,5 mètres sur près de 8 de long, exécutée par Pablo Picasso en quelques jours, du 1er mai au 4 juin 1937. Sa rapidité d’exécution, sa virulence et sa puissance d’évocation – de frappe pourrait-on dire – n’ont d’égales que la violence de l’évènement relaté et la fureur qu’il déclenche chez l’artiste. Pablo Picasso travaillait alors à une grande toile pour orner le Pavillon espagnol de l’Exposition internationale à Paris de 1937 mais le bombardement meurtrier du village basque de Gernika le décide à abandonner son projet initial pour réaliser cette toile monumentale. Avec elle, Picasso réinvestit toutes ses recherches plastiques pour livrer une œuvre à la hauteur des évènements, une œuvre « d’histoire immédiate ».
Dès cette première présentation en 1937, elle est vue comme le symbole de l’antifascisme et du pacifisme. Durant 44 ans, elle sera exposée et reproduite de nombreuses fois des États-Unis à la Suède, de Milan à Sao-Paulo mais, conformément au vœu du peintre, elle ne rentrera en Espagne qu’après la mort de Franco.
Des conditions de sa création à ses présentations, entrer dans l’intimité de l’œuvre permet de revenir sur le travail de Picasso tant dans sa composante artistique que dans ses dimensions politique et historique.
Image : CC BY-SA 3.0 File:Mural del Gernika.jpg
Votre conférencière :
Nathalie Douay est historienne de l'art et conférencière nationale.
Les dates à retenir :
Août 1934. Dernier séjour de Picasso en Espagne.
1936. La victoire du Frente Popular [Front Populaire] aux élections en Espagne est suivi quelques mois plus tard de la tentative de coup d’état le 17 juillet par les Nationalistes menés par le général Francisco Franco. Cette opération génère une guerre civile qui durera jusqu’en 1939. Dès novembre 1936, Picasso figure parmi la centaine d’intellectuels catalans dénonçant les bombardements de Madrid.
1937. Le gouvernement républicain espagnol commande à Picasso une composition murale pour le pavillon de l’Exposition internationale de Paris.
26 avril 1937. Bombardement du village basque de Gernika par l’aviation allemande.
Du 1er mai au 4 ou 5 juin 1937, Picasso travaille à son œuvre Guernica sous l’œil photographique de Dora Maar. Le pavillon est inauguré le 12 juillet 1937 avec la peinture Guernica, ses études préparatoires, plusieurs plâtres réalisés à Boisgeloup et l’édition des gravures Songe et mensonge de Franco.
1938 et 1939, Guernica est exposée à plusieurs reprises en Norvège, au Danemark, en Suède et également en Angleterre et aux États-Unis pour lever des fonds pour les républicains espagnols. A la suite de ces expositions, Picasso décide de laisser sa toile en dépôt au MoMA de New York en décembre 1940.
Dans les années 1950, Guernica est exposée à Milan (1953), à Sao Paulo (1954), à Paris (1955) puis à Munich, Cologne, Hambourg, Bruxelles, Amsterdam et Stockholm. En 1955, Nelson Rockefeller acquiert une tapisserie de Guernica réalisée par Jacqueline de la Baume-Dürrbach.
1970. Après avoir refusé la proposition du gouvernement espagnol d’acheminer Guernica à Madrid, Picasso écrit au MoMA pour préciser que le tableau ne devra être rendu au peuple espagnol que lorsque les libertés publiques auront été restaurées.
9 septembre 1981. Guernica est restituée à l’Espagne et en juin 1992, transférée au Museo nacional Centro de Arte Reina Sophia.
A lire pour aller plus loin :
Guernica, catalogue d’exposition sous la direction d’Emilie Bouvard et Géraldine Mercier, Editions Gallimard, Paris, 2018.
Pour la dimension politique et sociale de Picasso : Picasso l’étranger, catalogue d’exposition sous la direction d’Annie Cohen-Solal, co-édition du Musée national de l’histoire de l’immigration et de Fayard, Paris, 2021.