Être femme dans l'Italie romaine
Idéalisées, craintes, critiquées, abhorrées, moquées, divinisées, adulées, respectées, haïes, et plus encore. Voilà comment apparaissent les femmes dans la Rome ancienne, sous la plume d’auteurs, dans la bouche de politiciens, sous le pinceau d’artistes ou dans les représentations sculptée. Les représentations ou discours sur les femmes sont nombreux, mais bien peu sont des témoignages des intéressées. Pour rencontrer les femmes dans l’Italie romaine, il faut souvent d’abord passer par le regard des hommes et tenter de séparer, couche après couche, les femmes de l’imaginaire romain des femmes réelles.
L’imaginaire, héritage culturel qui irrigue toute la culture romaine et fournit des exempla pour l’édification des petites filles, est en partie indissociable de la réalité vécue tant elle imprègne tous les échelons de la société romaine. Elle modèle la morale fondée sur la tradition des anciens, et dépeint en tout point l’idéal de la femme romaine parfaite, mariée, chaste, humble et féconde.
Cet idéal correspond cependant au modèle aristocratique, dans une société fortement hiérarchisée où se côtoient des individus libres de citoyenneté romaine ou non, des affranchis et des esclaves des deux sexes. Chacune de ces catégories elle elle-même hiérarchisée et la citoyenneté, généralement reconnue uniquement aux seuls hommes romains et dont les femmes seraient de fait exclues, est elle-même à géométrie variable, tous les citoyens n’ayant pas les mêmes devoirs et surtout, pas les mêmes droits.
A travers un temps long de plus de 1000 ans d’existence de la Rome ancienne, que peut donc signifier « être femme » ? « La femme », lorsqu’elle est libre, est avant tout une catégorie juridique qui la définit comme une mineure perpétuelle, passant de l’autorité du père à celle du mari. Supposément dotée d’un esprit faible, tel que les juristes romains le répètent, elle doit être tenue à l’écart de la vie publique et politique. Il lui est cependant accordé des droits, surtout si elle possède des biens : celui d’hériter de son père, celui de rédiger un testament et disposer de ses biens, avec l’accord d’un tuteur. La prostitution, activité légale à Rome, est également bien attestée dans les sources afin d’en tracer les contours acceptables.
Bien des femmes n’apparaissent jamais ou presque ni chez les auteurs de la grande histoire romaine, ni dans le droit. C’est l’épigraphie qui nous permet de les entre-apercevoir, ces marchandes, ces fermières, ces sages-femmes, de toutes conditions, libres et serviles. D’elles, on n’aperçoit que les contours, on cherche leurs voix parfois sur des inscriptions funéraires.
C’est surtout dans le contexte de la religion que les femmes de toutes conditions apparaissent au grand jour. Elles deviennent alors des actrices visibles dans cet espace public où leur présence est non seulement acceptée mais absolument nécessaire.
Votre conférencière :
Aude Chatelard est ATER en Histoire romaine à l'Université de Strasbourg et doctorante en Histoire ancienne. Elle travaille sur l'Histoire des femmes et de la religion sous la République romaine.
Les dates à retenir :
753 av. J.-C. : fondation légendaire de Rome et enlèvement des Sabines.
509 av. J.-C. : début de la République romaine après le suicide légendaire de Lucrèce.
331 av. J.-C. : affaire des poisons.
218-202 av. J.-C. : deuxième guerre punique..
195 av. J.-C. : les matrones romaines protestent pour l’abrogation de la loi Oppia (en vigueur depuis 215 av. J.-C.).
186 av. J.-C. : affaire des bacchanales.
88 av. J.-C. – 30 av. J.-C. : fin de la République, période des guerres civiles et émergence de « femmes de pouvoir ».
27 av. J.-C. : fin de la République et début de l’Empire avec le principat d’Auguste.
42 : l’impératrice Livie, divinisée par l’empereur Claude, reçoit désormais un culte public au même titre que l’empereur Auguste.
476 : fin de l’Empire romain d’Occident.
A lire pour aller plus loin :
Richard A. Bauman, Women and Politics in Ancient Rome, Londres, Routledge, 1992.
Virginie Girod, Les femmes et le sexe dans la Rome antique, Paris, 2013.
Danielle Gourevitch, Marie-Thérèse Raepstat-Charlier, La femme dans la Rome antique, Paris, 2001.
Yan Thomas, « La division des sexes en droit romain », dans Histoire des femmes en occident, Paris, 1990.