De quoi Hippocrate est-il le nom ?

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Dans la tradition européenne, Hippocrate est considéré comme le « Père de la médecine ». La médecine hippocratique constitue toujours le premier chapitre des histoires de la médecine occidentale. Cette captation de l’héritage hippocratique par la médecine moderne semble à première vue légitime : un médecin du XIXe siècle comme Littré reconnaissait des données valides dans l’observation des médecins hippocratiques, des méthodes communes, mais il a aussi contribué à perpétuer et à transmettre les textes d’Hippocrate par ses éditions, traductions et commentaires. Pourtant plusieurs savants ont mis en doute cette perspective qui projette la rationalité des modernes sur l’Antiquité : l’observation hippocratique n’est pas la médecine clinique et l’idée de méthode expérimentale ne semble plus valable pour caractériser la médecine ancienne.

Pour nuancer cette vision positiviste et téléologique d’une médecine grecque « déjà » ou « pas encore » moderne, une autre histoire de la médecine ancienne s’écrit depuis quelques décennies. Au lieu de la considérer comme une forme embryonnaire de la médecine moderne occidentale – ce qui en gomme les caractéristiques –, une autre approche, anthropologique et comparatiste, consiste à interroger son positionnement dans une perspective plus mondiale.

Cet exposé présentera d’abord le personnage historique d’Hippocrate de Cos qui a vécu au Ve siècle avant notre ère, le vaste corpus qui a été mis sous son nom et les grands principes de cette médecine hippocratique. Dans un second temps, je m’attacherai à replacer Hippocrate dans une histoire mondiale en montrant les emprunts assyriens de la médecine grecque, la transmission extra-occidentale d’Hippocrate (dans le monde arabe et en Inde), pour finalement revenir sur le statut de cette médecine ancienne, qui apparaît davantage comme une médecine traditionnelle que comme l’ancêtre de la médecine moderne.


Votre conférencier :

Antoine Pietrobelli est helléniste, philologue et historien de la médecine. Il est maître de conférences en grec ancien à l’Université de Reims. En 2005, il a découvert à Thessalonique un manuscrit de Galien qui contenait des textes inédits dont le Ne pas se chagriner de Galien, publié en 2010 dans la Collection des Universités de France. Dans cette même collection, il a fait paraître en 2019 le commentaire de Galien sur Le régime des maladies aiguës d’Hippocrate. Il a aussi coordonné un ouvrage collectif intitulé Contre Galien. Critiques d’une autorité médicale de l’Antiquité à l’âge moderne paru en 2020 chez Honoré Champion.


Les dates à retenir :

Entre 599 et 450 avant. J.-C : rédaction des premiers traités du Corpus hippocratique, dits cnidiens.

460 av. J.-C. : naissance d’Hippocrate à Cos.

Vers 425 av. J.-C. : Hippocrate quitte Cos pour exercer en Thessalie et quatre années à Thasos. Rédaction des Épidémies I et III.

Entre 420 et 413 av. J.-C. : Hippocrate et son fils Thessalos renouvellent les privilèges des Asclépiades au sanctuaire de Delphes.

413 av. J.-C. : Thessalos, le fils d’Hippocrate, prononce le Discours d’ambassade devant le peuple athénien.

410-400 av. J.-C. : Polybe, le gendre d’Hippocrate, compose le traité Sur la nature de l’homme.

Entre 375 et 351 av. J.-C. : mort d’Hippocrate à Larissa en Thessalie (à 85, 90, 104 ou 109 ans, selon les sources).

Ier siècle ou IIe siècle après J.-C. : rédaction du traité Bienséances du Corpus hippocratique.

IXe siècle : Hunayn ibn Ishaq (808-873) traduit Hippocrate en arabe.

1839-1861 : Émile Littré édite, traduit et commente les Œuvres complètes d’Hippocrate.


A lire pour aller plus loin :

Jacques Jouanna, Hippocrate, Fayard, Paris, 1992 et 2017.

Jacques Jouanna, Hippocrate. Tome I, 1re partie : Introduction générale, Collection des Universités de France, Les Belles Lettres, Paris, 2020.

Helen King, Hippocrates Now. The ‘Father of Medicine’ in the Internet Age, Bloomsbury, Londres, 2020.

Peter E. Pormann (éd.), The Cambridge Companion to Hippocrates, Cambridge University Press, Cambridge, 2018.

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Antoine Pietrobelli
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