La tabatière Choiseul, chef-d'œuvre de l’art de la miniature acquise par le Louvre
Acquise en 2023 par le musée du Louvre, la tabatière Choiseul est incontestablement la plus originale et la plus célèbre des tabatières du XVIIIère siècle. La précieuse monture en or de l’orfèvre Louis Roucel sert d’écrin à dix miniatures de Louis Nicolas Van Blarenberghe mettant en scène le flamboyant duc de Choiseul, le grand ministre de Louis XV, alors au faîte de sa gloire. Toutes les facettes de la vie publique et privée de ce personnage généreux et arrogant s’y succèdent, soulignant son travail acharné, parfois solitaire, indissociable de l’exercice du pouvoir.
Le charme de la tabatière Choiseul réside incontestablement dans ces gouaches composées par Louis-Nicolas Van Blarenberghe, qui fut « peintre des batailles » avant que l’aristocratie Versaillaise n’en fasse un spécialiste de la miniature, un « Raphaël des tabatières » comme on l’appelait encore au XIXère siècle. Ce changement d’échelle ne retire rien à la précision des images qui nous permettent sans peine, par exemple, d’identifier les militaires à travers leurs uniformes ou de saisir, à travers les postures et les interactions des personnages, toute la signification des scènes représentées.
La tabatière Choiseul séduit peut-être plus encore par sa description minutieuse du cadre de vie raffiné du ministre, de son immense collection de tableaux et d’objets d’art, esquissant ainsi une réflexion sur les relations entre Art et Pouvoir. Un pouvoir que le duc de Choiseul doit abandonner brutalement en fin 1770, lorsque le roi Louis XV l’exile sur ses terres de Chanteloup, près d’Amboise.
Datée précisément de cette période, la tabatière offre une multitude d’énigmes à résoudre sur son origine, les circonstances de son exécution et ses possesseurs successifs car, bien que célèbre, elle n’avait jamais jusqu’ici fait l’objet d’une recherche approfondie. Son histoire, on le verra, se révèle pleine d’imprévus. C’est même un miracle que ce tout petit objet (2,7 x 7,9 cm x 6,1 cm) ait pu traverser la période de la Révolution française, puis quitter la France pour y revenir, sans aucune altération.
Menée avec le concours d’un collège d’historiens et de conservateurs spécialistes, cette recherche renouvelle l’ensemble des connaissances sur ce véritable monument du XVIIIère siècle.
Votre conférencière :
Archiviste paléographe, Michèle Bimbenet-Privat est conservateur général honoraire au musée du Louvre, au département des Objets d’art.
Les dates à retenir :
1719-1785 Etienne François de Choiseul Stainville, duc de Choiseul.
1737-1801: Louise Honorine Crozat du Châtel, son épouse, duchesse de Choiseul.
1729-1794 : Béatrix de Choiseul Stainville, duchesse de Gramont, sa sœur.
1716-1794 : Louis-Nicolas Van Blarenberghe, peintre.
1761 : le duc de Choiseul achète le domaine de Chanteloup.
1768 : Louis Nicolas Van Blarenberghe est nommé peintre des batailles.
1770, 24 décembre : disgrâce du duc de Choiseul. Le même jour, départ en exil de Choiseul à Chanteloup.
1771 : Louis XV retire à Choiseul sa charge de colonel général des Suisses et Grisons.
1772 : le duc de Choiseul vend sa collection de tableaux.
1774 : mort de Louis XV et retour de Choiseul à la Cour.
1794 : dernière mention de la tabatière dans la famille Choiseul.
À lire pour aller plus loin :
Michel Antoine, Louis XV, Paris, Fayard, 1989.
Michèle Bimbenet-Privat (dir.), La Tabatière Choiseul. Un monument du XVIIIe siècle, Dijon, Editions Faton-musée du Louvre, 2024.
Monique Cottret, Choiseul. L’obsession du pouvoir, Paris, Tallandier, 2018.
David Feutry, Le duc de Choiseul : l'orgueil au pouvoir, Paris, Perrin, 2023.
Serge Grandjean, Les tabatières du Musée du Louvre, Paris, 1981.
Monique Maillet-Chassagne, Une Dynastie de peintres lillois, les Van Blarenberghe, Paris, 2001.
Monique Maillet-Chassagne et Irène de Château-Thierry, Catalogue raisonné des œuvres des Van Blarenberghe, 1680-1826, Lille, 2004.
Les Van Blarenberghe, des reporters du XVIIIe siècle, catalogue d’exposition, Paris, musée du Louvre/Gand, éditions Snoeck, 2006.