Rome (1508 - 1520) : Raphaël apôtre de l’héroïsme et de la grâce
Lorsque Raphaël quitte Florence en 1508 pour s’installer à Rome, il est déjà considéré comme un artiste reconnu. Son départ s’inscrit dans des circonstances politiques qui ont provoqué le déclin de Florence et la montée en puissance de la Rome pontificale. La cité éternelle est désormais la nouvelle capitale artistique de l’Italie. Cet essor, Rome le doit à la volonté d’un pape « prométhéen » : Jules II (1503-1513) dont l’objectif fut de restaurer l’autorité de l’Église sur le plan international. Pour accompagner et illustrer cet objectif politique, une propagande raffinée fut élaborée par laquelle la gloire de la chrétienté devait se refléter dans la magnificence d’un programme artistique et urbanistique hors-norme à Rome. C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre la décoration de la chapelle Sixtine par Michel-Ange (1508-1512) mais aussi la venue de Raphaël au Vatican en 1508. Comme le rapporte délicatement Giorgio Vasari « Raphaël dès son arrivée, reçut force caresses du pape Jules. »
Les douze années d’activité de Raphaël à Rome vont définitivement transformer son style et forger sa légende d’artiste « touché par la grâce ». Il est vrai que son activité fut incessante, comme son ambition. L’une et l‘autre furent nourries de commandes prestigieuses pour les appartements privés du pape Jules II - Chambre de la Signature, Chambre d’Héliodore…- ou pour les caprices d’Agostino Chigi, bailleur de fonds de la papauté. Le monde est si petit !
Bientôt, on lui confia aussi le prestigieux projet de la reconstruction de la Basilique Saint-Pierre. Raphaël succédait ainsi au grand architecte Bramante, un parent éloigné d’Urbino, qui avait exercé un véritable lobbying auprès du pape pour imposer Raphaël comme « premier peintre. »
Devenu le « prince des arts » et vivant comme tel dans son palais de Caprini, Raphaël aurait partagé son temps entre festivités, excès amoureux et réalisations artistiques. Rien n’est moins sûr. Ce qui est certain, c’est que pour honorer autant de monumentales et prestigieuses commandes - fresques, retables, portraits - il fallait un grand atelier et de multiples collaborateurs. Ce fut le cas. Car Raphaël fut à la tête d’une véritable entreprise qui jamais ne connut la crise et son nom sur une œuvre d’art fut souvent un sceau d’approbation plutôt qu’une véritable signature… Aujourd’hui encore, il est parfois difficile de faire la part entre la main du maître et celle de ses collaborateurs talentueux : Jules Romain, Giovanni da Udine, Perino del Vaga.
En 1520, la mort brutale de Raphaël provoqua une douleur indicible chez ses contemporains. Certains notèrent les signes extraordinaires qui se produisirent alors, comme cette fissure apparue dans le palais du Vatican à l’issue d’un petit tremblement de terre. Giorgio Vasari écrivit pour sa part : « Quand ce noble artiste mourut, la peinture pouvait bien mourir elle aussi et quand il ferma les yeux, elle sembla demeurer aveugle. »
Votre conférencier :
Diplômé de l’École du Louvre et de l’université Paris-IV-Sorbonne, Fabrice Delbarre est Guide conférencier-national.
Les dates à retenir :
6 avril 1483 : naissance de Raphaël Sanzio à Urbino en Italie.
1494 : Giovanni Sanzi, le père de Raphaël meurt. Orphelin, le jeune garçon est confié à son oncle.
1500 : probable passage par l’atelier du Pérugin à Pérouse en tant qu’assistant. Cité la même année en tant que « maître peintre » dans un contrat.
1502 : collabore avec Pinturicchio à la réalisation des cartons pour la bibliothèque Piccolomini dans la cathédrale de Sienne.
1504 : Raphaël peint le Mariage de la Vierge (National Gallery, Londres).
1504-1508 : Raphaël réside à Florence. Influence de Michel-Ange et de Léonard de Vinci. Il réalise sa série des Madones à l’Enfant et ses premiers portraits.
1509-1520 : Raphaël réside et travaille à Rome au service de la papauté. Il réalise le décor de la Chambre de la Signature et de la Chambre d’Héliodore.
1515-1520 : Raphaël est chargé par le pape de la reconstruction de Saint-Pierre de Rome.
1518-1519 : le banquier de la papauté, Agostino Chigi, commande le décor de la Villa Farnesina à Raphaël.
6 avril 1520 : mort de Raphaël à Rome.
À lire pour aller plus loin :
CORDELIER Dominique ; PY Bernadette, Raphaël, son atelier, ses copistes, RMN, Paris, 1992.
DE VECCHI Pierluigi, Raphaël, Citadelles-Mazenod, 2002.
FOCILLON Henri, Raphaël, Paris, (1926) 1990 (Pocket).
JOANNIDES Paul, Raphaël et son temps, Éditions Réunion des musées nationaux, 2002.
JOANNIDES Paul, Raphaël, les dernières années, catalogue d’exposition, Louvre, RMN, 2012.
VASARI Giorgio, Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, volume 5, Raphaël, Léonard et Giorgione, Paris, 1983.