La guerre des paysans en Allemagne (1525)
La conférence se propose d’examiner à la fois l’histoire de la Guerre des Paysans et la manière dont l’histoire en a été écrite, car l’événement a fait l’objet de nombreuses sédimentations historiographiques. De 1524 à 1526, avec un temps fort de mars à juin 1525, des paysans se soulèvent dans tout le Saint-Empire romain germanique. Reprenant à leur compte des éléments de la Réforme luthérienne, comme l’égalité des chrétiens devant Dieu, les prêches en langue vernaculaire ou l’élection des ministres du culte, ils radicalisent également leurs revendications en les étendant au domaine politique et social, et refusent en particulier les divers prélèvements du système seigneurial. S’ensuivent d’âpres batailles entre les insurgés – issus des mondes paysans, mais aussi du petit peuple urbain, en particulier des artisans – et les différentes fractions de la noblesse allemande. Dans l’espace politiquement morcelé du Saint-Empire, c’est la première – et la dernière fois – que de simples sujets parviennent à organiser un soulèvement d’une telle ampleur : la conférence sera l’occasion de rappeler qu’en dépit des jugements souvent hâtifs des contemporains les présentant comme des hordes sans foi ni loi de pillards sanguinaires déferlant sur les châteaux, les insurgés étaient très rigoureusement organisés, se réunissant en assemblées, élisant des délégués et rédigeant des manifestes synthétisant leurs revendications. Si les chiffres de la mobilisation sont difficiles à évaluer, les contemporains estiment que la répression, elle, aurait fait autour de 100 000 morts. Luther lui-même a appelé dans un pamphlet à l’écrasement sanglant de la révolte dans des termes extrêmement vifs. À l’issue de cette confrontation sanglante, l’ensemble des relations entre groupes sociaux en Allemagne est bouleversé, et pour éviter que l’événement ne se reproduise, les institutions de l’Empire sont adaptées.
La Guerre des Paysans a laissé dans la mémoire collective des traces profondes. Son histoire a commencé à s’écrire au début du XIXe siècle, avant d’être érigée au début du siècle suivant en élément central de l’histoire allemande. On évoquera donc également les nombreuses interprétations, souvent conflictuelles, dont la Guerre des Paysans a fait l’objet, dans une Allemagne du début et du milieu du XXe siècle.
Votre conférencière :
Maîtresse de Conférences (Le Mans Université) et membre Junior de l’Institut Universitaire de France. Auteur de La permanence de l’extraordinaire: fiscalité, pouvoirs et monde social en Allemagne aux XVIIe-XVIIIe siècles, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2017 et rééditrice de Friedrich Engels, La Guerre des paysans en Allemagne, Paris, Les Éditions sociales, 2021.
Les dates à retenir :
1503 : révolte du Pauvre Conrad.
1513-1517 : Bundschuh (Forêt-Noire, Alsace, Rhénanie).
mai 1524-janvier 1525 : début de l’insurrection (Wurtemberg, Souabe, Forêt-Noire, Tyrol).
mars 1525 : probable adoption des « Douze articles des paysans ».
mars 1525 : formation de l’Alliance chrétienne.
avril 1525 : les paysans assiègent Stuttgart.
16 avril 1525 : mise à mort du duc von Helfenstein à Weinberg (Wurtemberg).
mai 1525 : défaite des paysans à Franckenhausen et exécution de Thomas Müntzer.
juin 1525 : début du soulèvement dans l’archevêché de Salzburg.
juillet 1526 : reddition finale des Salzbourgeois.
A lire pour aller plus loin :
Georges Bischoff, La Guerre des paysans : l’Alsace et la révolution du Bundschuh, 1493-1525, Strasbourg, la Nuée bleue, 2010.
Peter Blickle, Der Deutsche Bauernkrieg von 1525, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1985.
Horst Buszello, Peter Blickle et Rudolf Endres, Der Deutsche Bauernkrieg, Paderborn München, Wien [etc.], F. Schöningh, 1991.
Hugues Neveux, Les révoltes paysannes en Europe : XIVe-XVIIe siècle, Paris, Hachette littératures, 1999.
Maurice Pianzola, Thomas Munzer ou La guerre des paysans, Genève, Éditions Héros-limite, 2015.