Derrière le verrou : les sexualités d'art
Secrété par le tempérament de l’artiste et souvent inconscient, on peut dire que l’érotisme en art est « un plus » que nous donnent les artistes. Dans Mon cœur mis à nu, Baudelaire raconte : « Tous les imbéciles de la bourgeoisie qui prononcent sans cesse les mots : « immoral, immoralité, moralité dans l’Art », et autres bêtises me font penser à Louise Villedieu, putain à cinq francs, qui, m’accompagnant une fois au Louvre où elle n’était jamais allée, se mit à rougir, et à se couvrir le visage et, me tirant à chaque instant par la manche, me demandait devant de nombreuses statues et plusieurs tableaux immortels ; comment on pouvait étaler publiquement de pareilles indécences ? ». Rançon de la fausse pudeur et des tabous enfantés par la civilisation judéo-chrétienne, le fétichisme fleurit en effet dans les musées. Mais ne sommes-nous pas tous des fétichistes dès lors que nous privilégions une partie du corps ? Que nous préférons, par exemple, les lèvres, la chevelure, le regard ou les jambes ? Les femmes de Lucas Cranach sont hydrocéphales, celles d’Ingres sont toutes goitreuses. Le docteur Verdier mentionne à ce sujet dans son Etude sur Ingres devant la médecine (1911) : « les femmes que peint ce chantre du classicisme, avec leurs cous gonflés, sont des hyperthyroïdiennes. Or, chacun sait que les hyperthyroïdiennes sont attirées par les jeux de l’amour ». Paradoxalement, entre la fin du Moyen Age et la Renaissance, l’opposition du vice et de la vertu s’accentue, faisant le lit du triomphe de la Femme. Les créateurs ne la confinent plus dans les limites de la dévotion et de la vertu : ils l’idéalisent autrement qu’en vierge ou en sainte. Souverains et financiers se plaisent à voir la nudité de leurs maîtresses s’épanouir sous le pinceau des peintres et des sculpteurs. Cependant, pouvons-nous parler de Michel-Ange sans évoquer son homosexualité ? Il suffit de contempler l’ensemble de ses œuvres pour constater que le sexe masculin et le fessier de l’homme y sont omniprésents : ils le fascinent, ils le tourmentent. Cette même ambiguïté se retrouve chez David au XIXe siècle et Warhol au XXe siècle. Concomitamment, la diffusion des gravures en couleurs et des lithographies à thème érotique s’est développée en Europe, et un public de plus en plus vaste de connaisseurs et d’amateurs commence à réclamer de l’art érotique. Ainsi, le critique d’art et érotologue Edward Fuchs considère les aquarelles érotiques de Daumier parmi ses plus belles réussites. Au cours de cette conférence, tous les fétichismes, tous les fantasmes, même les plus dérangeants, seront explorés, dans la mesure où Eros et Thanatos sont une constante de l’art érotique !
Votre conférencier :
Docteur en Histoire de l’Art moderne de l’université Michel de Montaigne (Bordeaux 3), enseignant en classes préparatoires, Christophe Levadoux est spécialiste de l’Histoire de l’Architecture et des arts décoratifs français au XVIIIe siècle, à travers notamment le mécénat artistique des princes de Bourbon-Condé. Auteur de nombreux articles scientifiques liés à son sujet de spécialité et au patrimoine auvergnat, sa thèse Louis-Henri de Bourbon (1692-1740), prince des Lumières doit être publiée prochainement en deux volumes (vol 1. Les bâtiments ; vol.2. Les objets d’art). Conférencier reconnu en région Rhône-Alpes-Auvergne, son esprit résolument progressiste et iconoclaste le pousse à vulgariser l’Histoire de l’Art auprès d’un public avide de ses présentations érudites et décalées. Sa devise ? « Le courage a le mérite que l’on se doit pour exister » Sonia Lahsaini.
A lire pour aller plus loin :
Dionigi (Laurence), L’érotisme dans l’art, Nice, Ovodia, 2021
Cabanne (Pierre), Le Scandale dans l’art, Paris, La Différence, 2007.
Leibenson (Claude),Le féminin dans l’art occidental- Histoire d’une disparition, Paris, La Différence, 2007.