Attila, l’Empire des steppes
« Attila aimait les guerres, mais il était capable de contrôler sa propre violence ». Écrivant un siècle après la mort du roi des Huns, l’historien Jordanès renvoie une image ambigüe de ce personnage de légende qui, entre les années 430 et 453, avait fait trembler l’Europe. Bientôt, l’homme serait connu sous le nom de fléau de Dieu. Si nul ne saurait nier son goût pour la conquête et le pillage, Attila a aussi été un animal politique capable de s’accrocher au pouvoir par des moyens souvent subtils. Installés dans le bassin du Danube depuis la fin du IVe siècle ap. J-C., les Huns avaient rassemblé une vaste confédération qui commençait à menacer l’Empire romain. Ce dernier était divisé depuis 395 entre une partie occidentale et une partie orientale, qui menaient des stratégies différentes. Le roi des Huns en joua. À partir de 444, il utilisa sa puissance militaire pour obtenir des tributs de l’Empire d’Orient. Au début de la décennie suivante, ses armées conduisirent deux campagnes, violentes mais peu concluantes, contre l’Empire d’Occident où il pensait récupérer des territoires. Dans l’ensemble, Attila semble avoir été un opportuniste. Ses relations avec les Romains n’avaient qu’un seul objectif : obtenir le maximum de richesses pour mieux fidéliser sa propre confédération. Pour ce faire, il multipliait les ambassades, menaçait ses interlocuteurs, exigeait que les clauses des précédents traités soient minutieusement respectées… Si jamais le versement s’interrompait, il n’hésitait pas à recourir à la guerre. Le paradoxe d’Attila ne serait-il pas d’avoir été meilleur diplomate que conquérant ? Tant qu’il demeura dans son rôle de maître chanteur, inquiétant et séducteur, il triompha. Dès qu’il tenta de déployer l’ensemble de sa puissance, les aléas de la guerre le rattrapèrent. En 451, sa méconnaissance du terrain et son manque d’appuis locaux l’amènent à conduire une campagne peu heureuse en Gaule, qui déboucha sur la célèbre bataille des Champs Catalauniques. Mais dans les siècles qui suivirent sa mort, l’image d’Attila se transforma. Il devint l’incarnation de la barbarie ou l’image de la liberté, un précurseur du « péril jaune » ou un ancêtre fondateur de la Hongrie médiévale. Cette conférence vise à retrouver un personnage méconnu derrière la légende du destructeur.
Votre conférencier :
Bruno Dumézil est professeur en Histoire médiévale à Sorbonne Université ; professeur à l’École Polytechnique.
Les dates à retenir :
Début IVème siècle : premières mentions des Huns.
v. 360 : intégration des Goths greutunges (ostrogoths) dans la confédération hunnique.
395 : partage de l’Empire romain entre les fils de Théodose.
v. 435 : mort de Moundioukh, père d’Attila.
444 : assassinat de Bléda, frère d’Attila.
447 : campagne hunnique dans les Balkans et en Grèce.
449 : ambassade de Priscus, diplomate romain d’Orient à la cour d’Attila.
451 : campagne d’Attila en Gaule. Bataille des champs Catalauniques.
452 : campagne d’Attila en Italie.
453 : mort d’Attila.
454 : bataille de la Nédao. Dissolution de l’Empire hunnique.
474 : dernière incursion hunnique en Thrace.
476 : disparition de l’Empire romain d’Occident.
V. 700 : première mention d’Attila comme « fléau de Dieu ».
À lire pour aller plus loin :
Edina Bozoky, Attila et les Huns. Vérités et légendes, Paris, Perrin, 2012.
Istvàn Bóna, Les Huns. Le grand empire barbare d'Europe (IVe-Ve siècles), Paris, Éditions Errance, 2002.
Katalin Escher, et Iaroslav Lebedynsky, Le dossier Attila, Arles, Actes Sud / Errance, 2007.
Michel Rouche, Attila. La violence nomade, Paris, Fayard, 2009.