Tahiti et les îles de la Société : la rencontre de deux mondes

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Des cinq archipels d'Océanie regroupés par la France au sein de la Polynésie française, celui des îles de la Société est le plus important sur les plans démographique et économique. C'est à Tahiti, la plus grande île, que se trouvent notamment les principales institutions et infrastructures du territoire : l'Assemblée Territoriale, le centre hospitalier du Taaone, l'Université de Polynésie française, l'aéroport international de Faaa, pour ne citer que quelques exemples. L'île exerce sur l'ensemble du Fenua (territoire) une attractivité indéniable, et, au-delà, son aura est internationale. Depuis la fin du XVIIIème siècle et la publication par Bougainville de son récit de voyage autour du monde, Tahiti a en effet acquis une dimension primordiale dans l'imaginaire occidental ; elle est perçue comme le paradis exotique par excellence, l'île de l'amour et de la sensualité, à tel point d'ailleurs qu'elle fut un temps baptisée Nouvelle-Cythère en référence à l'île méditerranéenne où Vénus, déesse de la beauté, vit le jour selon Ovide. Un mythe, évidemment, que sa transposition dans l'océan Pacifique ne rend pas plus réel...

Ce qui est véridique par contre, c'est le choc consécutif à l'arrivée des Européens que subirent les habitants de Tahiti, à l'instar des habitants des autres îles de Polynésie. Chocs culturel, technologique et crises épidémiques. La structure de la société traditionnelle s'en trouva très profondément perturbée, et l'acculturation à laquelle furent soumis les Tahitiens amena la disparition de pans entiers de leur culture. Avec la christianisation, les maraes, ces anciens lieux de culte, furent abandonnés à leur sort. L'organisation politique, le système des tapu, se désagrégèrent au profit d'une dynastie royale unique, les Pomare, et d'un nouveau code de lois. Les tatouages disparurent des corps que recouvraient progressivement des vêtements taillés dans les étoffes amenées par les marins occidentaux, telle la robe mission imposée aux femmes par les missionnaires. La colonisation, la mise sous tutelle de l'économie, l'immigration d'administrateurs européens ou de travailleurs chinois, transformèrent Tahiti en profondeur. En à peine un siècle, la société séculaire issue du peuplement océanien céda la place à un monde métissé issu de la rencontre entre deux mondes.

Au cours de la deuxième moitié du XXème siècle, Tahiti connut de nouvelles et importantes transformations, au premier rang desquelles se trouve l'implantation du CEP (Centre d'Expérimentation du Pacifique) en 1964 pour poursuivre en Polynésie – dans les atolls de Moruroa et de Fangataufa aux Tuamotu – les essais nucléaires français après l'indépendance de l'Algérie. Cette décision politique unilatérale allait changer le destin de la Polynésie française en altérant, d'une part, le lien établi entre les Polynésiens et la métropole, et en amenant, d'autre part, une manne financière sur le Fenua. Mais les nombreux essais nucléaires ont également eu des conséquences dramatiques en matière de santé publique ; des conséquences que l’État français a reconnu depuis quelques années et auxquelles il s'est engagé à apporter une réponse. La deuxième moitié du XIXe siècle voit également la mise en place progressive en Polynésie française d'un statut d'autonomie territoriale symbolisée par l'Assemblée et la Présidence, siégeant l'une et l'autre à Papeete où se font entendre les voix autonomistes comme indépendantistes. Sur le plan culturel enfin, Tahiti et plus largement la Polynésie française connaissent un renouveau important. Cette dynamique se caractérise notamment par l'importance accrue donnée chaque année au Heiva i Tahiti qui met à l'honneur les chants et les danses, ou bien par le FIFO (Festival International du Film documentaire Océanien) de Papeete.


Votre conférencier :

Après une formation universitaire en histoire et en socio-anthropologie, Arnaud Hédouin se consacre à l'activité de guide-conférencier. À ce titre, il accompagne des groupes à l'étranger depuis plus de vingt ans avec l'ambition de faire découvrir l'histoire, la culture mais aussi les structures sociales des pays visités.


Les dates à retenir :

De 1,35 à 0,60 millions d'années : formation volcanique aérienne de l'île de Tahiti.

XIème siècle : peuplement probable de Tahiti et des îles de la Société.

1767 : Samuel Wallis premier Européen à Tahiti.

1768 : Bougainville fait escale à Tahiti.

1788 : Pomare roi de Tahiti. Il unifie l'île sous son autorité.

1789 : mutinerie de la Bounty.

1842 : protectorat français sur Tahiti.

1880 : fin du royaume des Pomare. La France annexe Tahiti.

1963 : début de la mise en place du Centre d'Expérimentation du Pacifique (CEP) à Tahiti pour poursuivre en Polynésie les essais nucléaires français après l'indépendance de l'Algérie

1984 : la Polynésie française constitue « un territoire d'outre-mer doté de l'autonomie interne dans le cadre de la République ».

2023 : le parti indépendantiste remporte la majorité absolue lors des élections de l'Assemblée territoriale.


À lire pour aller plus loin :

Eric Conte (dir.), Une histoire de Tahiti, Au vent des îles, Papeete, 2019.

Michel Panoff, Tahiti Métisse, Denoël, Paris, 1989.

Anne Salmond, L'Île de Vénus. Les Européens découvrent Tahiti, Au vent des îles, Papeete, 2012.

Mythes tahitiens réunis par Teuira Henry, textes choisis et préfacés par Alain Badadzan, Gallimard, 1993.