Palmyre, une oasis du désert syrien

Image représentant la conférence  Palmyre, une oasis du désert syrien

Occupée depuis la préhistoire, l’oasis de Palmyre entre dans l’histoire au début du IIe millénaire sous le nom de Tadmor. À cette période, un village occupe l’emplacement du futur temple de Bêl. Des prospections au sud du wadi ont révélé l’existence d’une nouvelle agglomération remontant au IIIe siècle av. J.-C. dont les occupants sont déjà engagés dans le commerce. La prospérité de l’oasis est assez grande pour que le Romain Marc Antoine lance un raid de pillage contre elle en 41 av. J.-C. Cette prospérité l’oasis la doit à la présence de l’eau, mais surtout à sa situation à mi-distance entre la Méditerranée et l’Euphrate par lequel on accède au golfe persique où débarquent les produits venus d’Inde, de Chine, d’Arabie ou d’Afrique.

Lorsque Rome intègre Palmyre, ainsi qu’on l’appelle désormais, dans son empire au début du Ier siècle ap., les habitants adoptent des institutions identiques à celles des autres cités de l’Orient et font sortir de terre une nouvelle ville à l’urbanisme « moderne » et grandiose, tandis que les anciens monuments sont mis au gout du jour.

La richesse de ces caravaniers du désert, s’exprime dans les monuments urbains qu’ils financent, mais se mesure aussi à leurs somptueux monuments funéraires. On aurait tort toutefois de croire que, parce qu’intégrée à l’Empire, Palmyre avait abandonné son identité. Outre le maintien de sa langue au côté du grec, les traditions sont bien présentes et elle donne l’exemple d’une cité dont la culture emprunte à la fois à l’Orient et à l’Occident.

Palmyre connaît son apogée au IIIe siècle lorsqu’une famille de notables locaux prend la défense de l’Orient contre les attaques des Perses. Les succès militaires d’Odeinath et Hairan les hissent aux plus hauts honneurs (consuls de Rome), tandis que Zénobie, après la mort d’Odeinath, s’octroie le droit de se proclamer impératrice de Rome avec son jeune fils. L’aventure se termine mal (ce sera l’objet de la prochaine conférence), mais Palmyre n’est pas morte après cet épisode tragique. La cité est un maillon de la défense de l’Empire en Orient, le christianisme s’y développe et sa position stratégique en fait un site convoité par les Musulmans après l’Hégire.

Ce joyaux quasi intact, témoin d’une culture originale, fut l’objet de l’engouement des voyageurs à partir du XVIIe siècle, date de sa redécouverte, mais la guerre civile entre 2011 et 2017 a entrainé des destructions massives : dynamitages volontaires et pillages ont définitivement détruit une partie du site. Les projets de restauration et de reconstruction sont désormais au cœur des rivalités entre puissances occidentales et gouvernement syrien, soutenu par ses alliés Russes. Pour l’instant, rien d’irrémédiable n’a été commis, mais la plus grande vigilance se doit être observée.

Images : Anton Ivanov Photo


Votre conférencière :

Annie Sartre-Fauriat est historienne, spécialiste de l'archéologie funéraire et de l'épigraphie grecque et latine du Proche-Orient gréco-romain. Agrégée d'histoire et docteur d’État ès lettres de l'université Paris I, Panthéon-Sorbonne, elle est actuellement professeur émérite de l'université d'Artois. Elle est, en collaboration avec son conjoint Maurice Sartre, l'autrice de nombreux ouvrages consacrés à la cité antique de Palmyre.


Les dates à retenir :

VIIe millénaire av. J.-C. : 1ères traces d’occupation humaine dans l’oasis.

XIXe siècle av. J.-C. : 1ère mention du nom de Tadmor dans les tablettes des marchands assyriens.

XVIIIe s. av. J.-C. : mention de Tadmer dans les archives royales de Mari.

1100 av. J-C : le roi assyrien poursuit les pillards araméens jusqu’à « Tadmor du désert ».

fin 333-332 av. J.-C. : conquête de la Syrie par Alexandre.

41 av. J.-C.: Marc Antoine lance un raid contre Palmyre pour piller ses richesses.

19 ap. J.-C. (ou peu avant) : Palmyre est annexée à l’Empire romain. Visite de Germanicus, fils adoptif de Tibère.

Avril 32 : consécration du temple de Bêl (partie nord de la cella).

130 : visite de l’empereur Hadrien. La ville adopte l’épithète honorifique de Hadriana.

vers 214 : Palmyre acquiert le statut de « colonie romaine ».

259 : l’empereur Valérien vaincu et capturé à Édesse par les Perses Sassanides. Odainath de Palmyre prend la tête de la contre-offensive.

260 : victoire d’Odainath sur les Perses. Il prend le titre perse de « roi des Rois » avec son fils Haîran.

267-268 : assassinat d’Odainath et Haîran. Sa veuve Bethzabbai (Zénobie) fait transférer à son fils Wahballath les titres de son père.

270-271 : Zénobie et son fils contrôlent progressivement les provinces de Syrie, Arabie, Egypte et d’une partie de l’Asie Mineure.

270 : mort de l’empereur Claude II et de son successeur Quintillus. Proclamation d’Aurélien par les troupes du Danube. Premières émissions monétaires avec Aurélien empereur et Wahballath avec ses titres.

2e semestre 271 ou début 272 : émissions monétaires de Wahballath, Auguste et de Zénobie Augusta.

août 272 : prise de Palmyre par l’empereur Aurélien. Zénobie emmenée à Rome.

273 : révolte de Palmyre ; nouveau siège et destruction partielle de la ville. Une légion s’installe à Palmyre.

280 : restauration des thermes à l’emplacement supposé (à tort) du palais de Zénobie.

Fin IIIe s. : édification du camp dit « de Dioclétien » et d’un rempart.

324-328 : première église de Palmyre. Marinus, évêque de Palmyre, siège au concile de Nicée en 325.

vers 530-540 : réfection de l’enceinte par Justinien.

634 : prise de la ville par les troupes musulmanes Khalid ibn Walid.

745 : Marwan II, dernier calife omeyyade, rase les défenses de Palmyre révoltée.

1401 : Tamerlan pille Palmyre.

1678 : première visite écourtée de marchands anglais depuis Alep.

1691 : seconde visite des marchands anglais et première description du site par le pasteur Halifax.

1751 : première campagne de prospection par les Anglais Robert Wood et James Dawkins.

1754 : déchiffrement du palmyrénien par l’abbé Barthélémy.

2012 : premières destructions et pillages dans le site archéologique par l’armée syrienne.

2015 : dynamitage des temples de Bêl et Baalshamin, du grand arc et de neuf tours funéraires par Daesh.

fin 2016-début 2017 : nouvelles destructions de Deash (mur de scène du théâtre, tétrapyle).

depuis 2017 : le site est occupé par les forces russes et les services de renseignements syriens.

2021-2022 : débuts de restaurations (source Efqa et grand arc).


A lire pour aller plus loin :

Annie Sartre-Fauriat, Palmyre : Vérités et légendes, Perrin, 2016

Annie Sartre-Fauriat, Palmyre, la cité des caravanes, Découvertes Gallimard, 2015


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Annie Sartre-Fauriat
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