La guerre entre l'Ukraine et la Russie au regard de l'Histoire

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Depuis plus de huit mois maintenant, Russes et Ukrainiens s’affrontent dans un conflit sans merci qui marque – pour reprendre l’expression consacrée par les spécialistes de la chose militaire – le retour de la guerre de haute intensité en Europe.

Remarquons au passage que cette expression de haute intensité est employée par les sportifs – les rugbymen notamment - depuis plusieurs années déjà, un fait qui nous rappelle fort opportunément la plasticité des concepts qui nous servent à penser le monde dans lequel nous vivons.

Revenons cela dit à cette guerre qui ensanglante l’Europe.

En quoi cette dernière est-elle différente des conflits récents qui l’ont précédée, parfois de quelques mois seulement, de l’ex-Yougoslavie au Nagorni-Karabakh, de l’Irak à la Syrie ?

L’Histoire peut-elle nous aider à comprendre les évènements qui sont en train de se dérouler sous nos yeux ? Par ailleurs, par-delà le fracas des batailles et le brouhaha de l’actualité, l’Histoire peut-elle nous aider à prendre du recul pour nous interroger sur les causes profondes de cette guerre ? Peut-elle éclairer les enjeux de cette guerre ainsi que ses répercussions immédiates comme à plus long terme ?


Votre conférencier :

Laurent Lanfranchi est historien et directeur de Storia Mundi.


Les étapes du conflit :

Début novembre 2021 : les services de renseignements des Etats-Unis révèlent que la Russie masse des troupes considérables à la frontière de l’Ukraine.

Décembre 2021 : la tension monte. Russes et Nord-américains, sans les Européens, lesquels n’ont pas été conviés à la table des négociations, tentent de trouver un compromis. C’est un échec.

Janvier 2022 : alors que des milliers de soldats russes entrent en Biélorussie – officiellement dans le but de conduire des manœuvres conjointes avec leur allié – les Etats-Unis accordent une aide d’urgence de 200 millions de dollars à l’Ukraine. Personne ne le sait alors mais ce n’est là que la première tranche d’une aide appelée très vite à se renforcer.

Fin janvier et début février 2022 : c’est la marche à la guerre. Les manœuvres militaires russes se multiplient aux frontières mêmes de l’Ukraine, au Nord comme au Sud, cependant que les combats s’intensifient dans les régions séparatistes de l’Est.

Le 24 février 2022 l’armée russe envahit l’Ukraine. Les Etats-majors occidentaux et russe s’attendent à une brève campagne qui ne devrait pas excéder quelques jours. 90 heures avancent même plusieurs spécialistes.

De fin février à fin mars, les forces russes progressent rapidement sur plusieurs axes, en direction de Kiev, au nord, ainsi qu’en direction du Dniepr depuis la Crimée (annexée en 2014), au sud. Malgré tout, dès les premiers jours de l’invasion, l’armée ukrainienne fait preuve d’une combativité et d’un courage inattendus. Mieux (ou pire selon le point de vue considéré), après avoir réussi à stabiliser la situation, l’armée ukrainienne inflige une première et cinglante défaite à l’armée russe qui doit abandonner le siège de Kiev pour se replier précipitamment.

Début avril, Vladimir Poutine en tire les conclusions : il ordonne à ses troupes de se retirer du Nord de l’Ukraine pour se regrouper dans le Donbass, nouvel objectif déclaré de cette guerre qui ne dit toujours pas son nom. L’opération spéciale continue cependant que ses répercussions se font sentir en Afrique, au Proche-Orient mais aussi en Europe.

Dans les mois qui suivent, l’armée russe se révèle incapable de vaincre son adversaire malgré une rhétorique martiale qui n’hésite plus à évoquer le feu nucléaire. Le seul succès majeur qu’enregistre l’armée russe au cours de cette période est la prise de Marioupol, une ville défendu avec acharnement par l’armée ukrainienne dont les dernières unités capitulent après une résistance opiniâtre dans l’usine Azovstal.

Pendant ces semaines et ces mois déterminants, la guerre se révèle dans toute son horreur. Par ailleurs, surpris par la résistance ukrainienne qu’ils n’avaient pas anticipé, les Occidentaux – Etats-Unis en tête – se décident à fournir de plus en plus d’armes (et des armes de plus en plus puissantes) à l’Ukraine au grand dam de la Russie qui n’a de cesse de dénoncer une quasi belligérance d’un bloc occidental que Moscou voudrait fracturer.

Début septembre : l’armée ukrainienne déclenche une double contre-offensive qui lui permet de regagner des milliers de kilomètres carrés dans l’oblast de Kharkiv, dans le Nord-est du pays, tout en acculant progressivement l’armée russe au Dniepr dans le sud (oblast de Kherson). De nouveau, l’armée russe révèle des failles insoupçonnées jusque-là.

Enfin, c’était hier, entre fin septembre et fin octobre, la Russie prend deux décisions qui confirment si besoin en était sa détermination à mener l’opération spéciale jusqu’à son terme : une mobilisation partielle tout d’abord dans le but de recompléter des unités décimées par huit mois de combats ; l’annexion des territoires ukrainiens occupés par ses troupes.

Et pendant que Russes et Ukrainiens s’affrontent, la guerre révèle les lignes de fractures entre un monde occidental qui soutient l’Ukraine, un bloc pro-russe composé de l’Iran, de la Chine et de la Syrie notamment et un ensemble d’Etats non-alignés.