L’Empire romain par le menu

Image représentant la conférence  L’Empire romain par le menu

Le célèbre adage « Dis-moi ce que tu manges, je te dirais qui tu es ? » fut formulé par Brillat-Savarin au XIXe siècle dans sa Physiologie du goût (1825). Les choix et les pratiques alimentaires, loin d’être anodins, sont révélateurs des mentalités, d’une culture et des normes d’une société. Il en va ainsi pour l’époque romaine où les plaisirs du banquet tiennent une place éminente dans le monde des élites. Les sources qui permettent d’étudier l’alimentation dans l’Antiquité romaine sont fort nombreuses, qu’il s’agisse des textes, de l’iconographie ou encore du matériel archéologique, et offrent de nombreuses perspectives de recherche.

L’histoire de la gastronomie à Rome est étroitement liée à celle des conquêtes au fil de l’époque républicaine. Le régime alimentaire des Romains des débuts de la République se caractérise par une certaine simplicité, parfois idéalisée aux époques ultérieures. L’expansion en Orient, surtout au tournant des IIe et Ier siècles avant J.-C., laisse Rome entrer en contact avec les raffinements du monde hellénistique. L’afflux massif d’esclaves à Rome, parmi lesquels des cuisiniers et des médecins, altère le mode de vie des élites dont les plaisirs connaissent une sophistication croissante. La quête de produits plus luxueux et la confection de recettes complexes, dont rend compte notamment l’Art culinaire d’Apicius, animent désormais les cuisines et les salles à manger des riches Romains. Toutefois, un discours moral, animé notamment par le stoïcisme, se dresse contre la corruption des mœurs engendrée par l’essor de la gastronomie et la frugalité lui est opposée.

À partir de là, la morale et la médecine offrent les moyens de se conformer à l’idéal de la mesure et de contrôler les plaisirs, bien loin du cliché de l’orgie romaine. La diététique, définissant une hygiène de vie complète, est supposée permettre la conciliation de l’amour des bonnes choses et de la santé. Les médecins, comme le célèbre Galien, livrent de nombreux conseils pour cuisiner et manger sain sans pour autant totalement rejeter l’art des cuisiniers. Le choix de se plier à un régime dépasse alors le seul domaine de la médecine, mais peut aussi apparaître comme une manifestation de la romanité. Du simple soldat à l’empereur, l’adoption d’un régime source de bonne santé permet de répondre à ses devoirs. Il est donc aussi un enjeu social et politique, car du bon gouvernement du corps dépend aussi celui de l’Empire.

Image : La Repubblica.


Votre conférencier :

Dimitri Tilloi-d’Ambrosi est agrégé et docteur en histoire romaine, chercheur associé au laboratoire HiSoMA - UMR 5189. Sa thèse soutenue en 2019 à l’Université Jean Moulin Lyon 3 porte sur les relations entre la cuisine et la diététique à l’époque romaine. Il enseigne dans le secondaire et a été chargé de cours à l’Université Jean Moulin Lyon 3 entre 2012 et 2021. Il est l’auteur de L’Empire romain par le menu et des Voyages d’Hadrien parus aux éditions Arkhê.


Les dates à retenir :

Vers 160 avant J.-C. : Rédaction du De Agricultura par Caton l’Ancien.

‪146 avant J.-C. : Destruction de Carthage et sac de Corinthe. Expansion de Rome vers l’Orient.

140 avant J.-C. : Naissance de Caius Sergius Orata, inventeur de l’ostréiculture en Italie. Mort vers 91 av. J.-C.

123 avant J.-C. : Gaius Gracchus organise l’approvisionnement en blé à Rome et fait construire des greniers publics.

118 avant J.-C. : naissance de Lucius Licinius Lucullus, général victorieux en Orient et gastronome. Mort vers 57-56 av. J.-C.

v. 25 avant. J.-C. : naissance de Marcus Gavius Apicius. Mort vers 37 après J.-C.

8 après J.-C. : Création de la préfecture de l’annone par Auguste après des épisodes de disette.

129 après J.-C. : Naissance de Galien. Mort v. 216 ap. J.-C.

v. 270 après J.-C. : L’empereur Aurélien ajoute de la viande de porc et du vin aux distributions de céréales.

v. 400 après J.-C. : Compilation des recettes d’Apicius dans le De re Coquinaria.


À lire pour aller plus loin :

Jacques André, L’alimentation et la cuisine à Rome, Paris, Les Belles Lettres, 1961 [réédition 2009]

Nicole Blanc, Anne Nercessian, La cuisine romaine antique, Grenoble, Glénat, 1992.

Florent Quellier (dir.), Histoire de l’alimentation de la préhistoire à nos jours, Paris, Belin, 2021.

Dimitri Tilloi-d’Ambrosi, L’Empire romain par le menu, Paris, Arkhê, 2017 (réédition poche prévue en 2025)

Dimitri Tilloi-d’Ambrosi, Le régime romain : cuisine et santé dans la Rome antique, Paris, Presses universitaires de France, 2024.