L’âge du Bronze dans le sud de la Corse : les sociétés torréennes

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L’âge du Bronze (2000-800 av. J.-C.) méditerranéen a vu fleurir de prestigieuses civilisations. Le sud de la Corse, à ces époques, constitue le terrain de développement de la société dite « torréenne ». Celle-ci fut pour la première fois définie par Roger Grosjean, pionnier de la Préhistoire insulaire, dans les années 1960. Initialement, ce chercheur pensait que les groupes torréens étaient des envahisseurs venus du Proche-Orient. Aujourd’hui, ces théories sont abandonnées mais le qualificatif de « torréen(ne) » est conservé pour désigner les sociétés indigènes de Corse méridionale. Celles-ci se caractérisent par plusieurs caractères socio-économiques récurrents et remarquables.

Le plus évident est le développement des habitats fortifiés dès le début de l’âge du Bronze. Ces villages perchés et retranchés protègent des habitations de plan elliptique. Les normes architecturales en vigueur privilégient la pierre sèche et trouvent des parallèles en Sardaigne et en Italie du sud. La multiplication de ces petites forteresses trahit un climat de tension et de compétition entre groupes, probablement lié aux velléités de contrôler les meilleurs terroirs et les réseaux d’approvisionnement de la part de chefferies microrégionales.

Un autre aspect spectaculaire est le développement du mégalithisme anthropomorphe tout au long du IIe millénaire. Au début de la période, des menhirs sont dispersés sur le territoire et en soulignent les nœuds viaires : cols, gués, carrefours, etc. Plus tard apparaissent les statues-menhirs, qui représentent des chefs aux attributs guerriers. Ces monolithes sont alors souvent installés et alignés dans l’habitat pour former des monuments probablement commémoratifs érigés à la gloire d’élites dont le pouvoir réside sur la violence collective, sur les réseaux d’approvisionnement et sur les capacités de stockage de biens de subsistance. Les tombes de cette époque permettent également d’envisager une forte hiérarchisation sociale.

Les communautés torréennes nous ont aussi laissé un large panel de leur artisanat : poteries, vanneries, parures, outils et armes en métal permettent de reconstituer la vie quotidienne d’alors, mais également les liens culturels qui s’exercent entre la Corse, la Sardaigne, l’Italie et même des régions plus éloignées.

Image : CC BY 3.0 File:Cucuruzzu JPG2.jpg


Votre conférencier :

Après des études en France (Aix-en-Provence) et Italie (Università degli Studi di Sassari, Sardaigne), Kewin Peche-Quilichini soutient en 2011 sa thèse de doctorat en co-tutelle avec l’Università di Roma I « La Sapienza ». Ses recherches portent sur les sociétés insulaires de Méditerranée occidentale (Corse-Sardaigne-Baléares) à l’âge du Bronze et au premier âge du Fer. Il est responsable d’opérations de fouilles dans les sites suivants : Cuciurpula, Nuciaresa, Monti Barbatu, Cucuruzzu, Puzzonu.


Les points à retenir :

La société torréenne caractérise le sud de la Corse.

La société torréenne se développe entre 1800 et 1300 av. J.-C.

L’habitat fortifié est la principale forme de village.

La société est hiérarchisée et dominée par des élites militaires.

Le pouvoir économique est basé sur le stockage des biens de subsistance.

Des monuments spécifiques, inspirés de modèles sardes, servent de greniers et sont installés au centre des habitats.

Les statues-menhirs représentent des chefs guerriers.

L’artisanat révèle des relations fréquentes avec l’Italie et la Sardaigne.

Au XIVe siècle, des liens avec la Grèce constituent une originalité.

Les groupes locaux sont en compétition pour l’exploitation des mêmes territoires, situation engendrant des conflits.


A lire pour aller plus loin :

Gabriel Camps, Préhistoire d’une île. Les origines de la Corse, Errance, collection des Hespérides, Paris, 1988.

Cesari et Kewin Peche-Quilichini, Les architectures turriformes de l’âge du Bronze en Corse : historiographie, structure, chronologie, distribution et comparaison avec les nuraghi sardes, dans : Jean Sicurani (dir.) – L’habitat pré- et protohistorique, Actes du Ier colloque de l’ARPPC (Calvi, avril 2017), ARPPC, 2019.

Roger Grosjean, La Corse avant l’Histoire, Klinksieck, Paris, 1966.

Kewin Peche-Quilichini et Cesari, Sò elli è simu noi, macchjaghjoli è cappiaghji. Habitats, habitations et utilisations du territoire dans le sud de la Corse à l’âge du Bronze et au premier âge du Fer : historiographie, terminologie et résultats, dans : Emmanuelle Leriy-Langelin et Yann Lorin (dir.) – Méthodologie et interprétation des habitats. Approches multiscalaires des types et formes d’occupation du territoire dans l’Europe du nord-ouest de la fin du Néolithique à La Tène ancienne, Actes du VLIVe colloque d’HALMA, PCR HABATA (Lille, octobre 2019), Collection Art et Archéologie, 29, Lille, 2021.

L’âge du Bronze dans le sud de la Corse : les sociétés torréennes

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