Le monastère de Rila, superbe haut lieu de la spiritualité bulgare

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Parler de la Bulgarie sans parler du monastère de Rila serait comme visiter Paris sans passer par la tour Eiffel. En effet, c’est le monument touristique le plus visité de Bulgarie, même parmi les 7 sites du pays classés héritage mondial de l’UNESCO. Le but de cette présentation est d’en comprendre les raisons.

Il ne s’agit pas d’un site qui traduit une victoire militaire spectaculaire ni un acte politique glorieux qui auraient pu faire la fierté nationale bulgare. Au contraire, il met sur le plus haut piédestal les valeurs spirituelles qui ont forgé l’identité bulgare après la conversion du pays au christianisme au milieu du IXème siècle, l’invention d’un alphabet propre à la langue slave dès cette haute époque (d’abord le glagolithique, ensuite le cyrillique) et son introduction dans le service liturgique lorsqu’ailleurs le dogme trinitaire ne permettait de célébrer Dieu que dans trois langues – hébreux, grec et latin. Ce sont ces mêmes bases – l’orthodoxie, la langue et la littérature slaves, la mémoire historique d’un fort état autonome, qui ont sauvegardé le peuple bulgare depuis déjà 13 siècles, bien que durant la moitié de cette période il ait été soumis à une domination politique étrangère (sans compter le demi-siècle soviétique). Le monastère de Rila en est l’expression la plus concentrée. C’est un lieu de haute portée historique, qui résume l’évolution du christianisme et du monachisme bulgares, et ceci en visant le niveau spirituel le plus élevée qu’est l’ascétisme pratiqué par son fondateur. C’est aussi l’expression monumentale de la culture séculaire bulgare, slave quant à sa forme, et byzantine dans son contenu.


Votre conférencière :

Professeur au Centre de Recherches Slavo-Byzantines de l'Université de Sofia, Albena Milanova est historienne et archéologue diplômée de l’Université de Strasbourg.


Les dates à retenir :

Xème siècle : fondée par saint Jean (Ivan) de Rila, ermite et thaumaturge, qui s’installe dans une grotte à 4 km du site actuel dans laquelle est préservée jusqu’à nos jours sa tombe ainsi qu’une source sacrée. Considéré comme le protecteur céleste des Bulgares, il est le fondateur du monachisme bulgare et l’auteur de la seule Règle monastique médiévale bulgare conservée (Le Testament de Saint Jean de Rila). Ses reliques ont fait l’objet de vols et de nombreux aller-retours entre la Hongrie, Sofia, Veliko Tarnovo et le monastère.

1334 /5 : le renouvellement médiéval. L’aristocrate local Chrélyu rebâtit l’ensemble d’après un plan bien plus ambitieux et sur le modèle des monastères de la Sainte Montagne Orthodoxe du Mont Athos (Grèce). De cette période sont encore conservés une tour avec, au dernier étage, la chapelle dédiée à la Transfiguration et ses fresques, et deux des très rares objets médiévaux sculptés en bois qui nous sont parvenus – le trône épiscopal et les portes de l’église.

Fin XIVème-XIXème siècle : période ottomane. Après un premier geste de bienveillance de la part des premiers sultans ottomans au moment de leur conquête des terres bulgares, le monastère a connu des pillages successifs après le milieu du XVème siècle. C’est pendant ces cinq siècles difficiles de brutale oppression turque que le monastère s’est transformé en phare et en conservatoire de la tradition liturgique et littéraire bulgare.

1833 : un terrible incendie ravage les bâtiments monastiques. La reconstruction, qui durera 10 ans, prend très vite l’aspect d’un acte patriotique et d’une entreprise qui engage toute l’énergie artistique et financière d’un peuple qui est en train de reprendre sa conscience nationale éteinte lors des longs siècles de joug étranger. Cet élan national lui accorde un rôle central dans la « Renaissance » bulgare du XIXème siècle, faisant du complexe monastique un lieu hautement symbolique, par son rayonnement à la fois culturel et artistique.

La période communiste (1944-1989) : en 1961 les biens du monastère sont confisqués, les moines dispersés, l’higoumène arrêté et torturé disparaît, le monastère est sécularisé et transformé en musée. La dépouille du roi Boris III (1918-1943), qui avait demandé à y être enterré, est exhumée et enfouie près de Sofia, puis perdue.

1992 : le monastère reprend ses fonctions religieuses et son statut stauropigial (indépendant de toute autorité épiscopale et directement soumis au Patriarche de l’Eglise orthodoxe bulgare). Il a le statut d’une agglomération à part entière avec 58 habitants.


À lire pour aller plus loin :

Pavel Sotirov, Les monastères bulgares – gardiens de la spiritualité pendant des siècles, 2008.

Sur la Vie de saint Jean de Rila

Bref guide sur le patrimoine religieux bulgare