Frida Kahlo, Madone des douleurs

Image représentant la conférence  Frida Kahlo, Madone des douleurs

Tenir la représentation du rêve pour le critère du caractère surréaliste d’une peinture explique la grande diversité de ce mouvement. La peinture surréaliste se définit par un style, mais aussi par des œuvres singulières ou par des regroupements autour de revues aux positions parfois violemment opposées. Or, parler de singularité, c’est aussi et peut-être avant tout parler de l’art de Frida Kahlo. Plutôt que de transcendance, ou de surréalité, son onirisme se nourrit de ses traumatismes. Très grave accident de la route, mariage houleux, fausse couche, absence d’enfant sont autant de souffrances que la peintre transforma en art révolutionnaire, en une sorte de radicalité expiatoire totale. Dans ses autoportraits fidèles ou métaphoriques, Kahlo pose sur le spectateur un regard brûlant de provocation, elle n’est pas une victime passive, elle entrelace au contraire les expressions de son expérience pour façonner un thésaurus essentiel hétéroclite où se mêlent réel et surréel : cheveux, racines, veines, placenta, tendons, ovaires, vagin, sang, famille, amants. Ses œuvres explorent aussi les idéaux politiques communistes qu’elle partage avec Rivera et Trotsky, ses deux amours. A l’instar de Dali elle n’hésita pas à parler d’elle, à s’exprimer sur sa création : « la chose la plus sincère et la plus réelle que je pouvais faire pour exprimer ce que je ressentais à l’intérieur et à l’extérieur de moi-même ». Facile Kahlo ? Non, délicieusement complexe, un ruban rose autour d’une bombe ! Si on l’associe aux surréalistes, elle se refusera de son vivant à toute récupération. Elle est elle-même avant tout, avec tous ses paradoxes et ses incohérences. Pourtant, la volonté de surprendre, de désorienter les regards face à une « beauté convulsive » et une « érotique voilée » devient plus que jamais le signe de sa création peuplée parfois de créatures fabuleuses : Portrait de Luther Burbank (1933, Mexico Museo Dolores Olmedo) ou Ma nourrice et moi ou Je tète (1937, Mexico Museo Dolores Olmedo). Elle devient ainsi l’égale d’Ernst qui introduit dans de nombreuses toiles le personnage de Loplop et adhère peut-être sans le savoir à l’opinion de Breton sur le tableau qui est, selon lui, une « fenêtre » ouverte sur le « modèle intérieur ». Ce à quoi elle paraît lui répondre : "La douleur, le plaisir et la mort ne sont rien d'autre qu'un processus d'existence. La lutte révolutionnaire dans ce processus est une porte ouverte sur l'intelligence."


Votre conférencier :

Docteur en Histoire de l’Art moderne de l’université Michel de Montaigne (Bordeaux 3), enseignant en classes préparatoires, Christophe Levadoux est spécialiste de l’Histoire de l’Architecture et des arts décoratifs français au XVIIIe siècle, à travers notamment le mécénat artistique des princes de Bourbon-Condé. Auteur de nombreux articles scientifiques liés à son sujet de spécialité et au patrimoine auvergnat, sa thèse Louis-Henri de Bourbon (1692-1740), prince des Lumières doit être publiée prochainement en deux volumes (vol 1. Les bâtiments ; vol.2. Les objets d’art). Conférencier reconnu en région Rhône-Alpes-Auvergne, son esprit résolument progressiste et iconoclaste le pousse à vulgariser l’Histoire de l’Art auprès d’un public avide de ses présentations érudites et décalées. Sa devise ? « Le courage a le mérite que l’on se doit pour exister » Sonia Lahsaini.


Les dates à retenir :

17 septembre 1925 : victime d’un grave accident lors de la collision d’un tram avec le bus qui la ramenait chez elle.

1928 : devient membre du Parti communiste mexicain (PCM) et rencontre de nouveau Diego Rivera. Ils tombent amoureux l’un de l’autre.

1930 : Rivera obtient des commandes aux USA et le couple s’installe à San Francisco en novembre.

1931 : retour au Mexique.

1932 : le couple s’installe à Detroit où il y a de nouvelles commandes pour Rivera.

1933 : installation à New York

1937 : Trotsky arrive au Mexique le 9 janvier, Frida Kahlo met à sa disposition la « Maison bleue » à Coyoacan.

1939 : elle expose ses œuvres à Paris dans la galerie Renou & Colle. Elle fait la connaissance d’autres peintres surréalistes.

1950 : après plusieurs avortements pour raisons médicales, elle est opérée sept fois de la colonne vertébrale et passe neuf mois à l’hôpital.

1952 : elle recueille des signatures pour soutenir le mouvement de paix.

1954 : elle attrape une pneumonie et participe pendant sa convalescence à une manifestation contre l’intervention nord-américaine au Guatemala. Frida meurt le 13 juillet.

1958 : inauguration du musée Kahlo.


A lire pour aller plus loin :

Louis Martin Lozano, Andrea kettenmann, Frida Kahlo. Tout l’œuvre peint. Taschen, 2021.

Mario Rosci, Olier Mordrel, Rivere, Les fresques de Mexico, Paris, Atlas, 1984.


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Christophe Levadoux
02_Histoire de l’art