La Danse macabre au Moyen Âge et à la Renaissance

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Le thème de la Danse macabre a donné lieu à de nombreuses études à travers l’Europe. La très vaste bibliographie montre que cette iconographie présente entre la France et les espaces germaniques des similitudes mais également de notables divergences. Cette farandole de morts et vivants a été précédée dès la seconde moitié du XIIIème siècle par le Dit des trois morts et des trois vifs illustrant la sentence « Vous serez ce que nous sommes, nous avons été ce que vous êtes ». On peut évoquer également au début XIIIème siècle les strophes du Vado Mori dans lesquelles les représentants de différentes classes sociales se plaignent d’une mort prématurée.

La plus ancienne Danse macabre peinte semble être celle de 1424-1425 qui prenait place sous les arcades entourant le plus grand charnier de Paris : le cimetière flanquant le couvent franciscain des Saint-Innocents. Ces peintures murales en ont rapidement inspiré d’autres dès les années 1430 comme celles du cloître de la cathédrale Saint-Paul de Londres, de la clôture du chœur de l’église abbatiale de la Chaise-Dieu ou des murs de Notre-Dame de Kernascleden. L’engouement pour ce thème s’est encore accentué grâce au grand succès des éditions de Guy Marchant diffusant dès 1485 des gravures des différentes scènes parisiennes ainsi que les vers les accompagnant dans la nouvelle édition de 1486. Ces images témoignent d’une Danse macabre formée d’une alternance régulière d’un mort et d’un vivant, réunis sous une arcature dans un cadre extérieur renvoyant au contexte cimétérial. Elle était initialement exclusivement masculine, religieux et laïcs se succédant rythmiquement, selon une disposition hiérarchique débutant par le pape et l’empereur, et illustrant le caractère irrémédiable de la mort pour tout homme.

Dans les territoires de langue alémanique, en revanche, les Danses macabres se différencient par la place qui a toujours été accordée aux femmes. La figure de l’impératrice est très fréquente, mais on rencontre également la reine, la jeune fille, la noble femme, la bourgeoise, la nonne, l’abbesse, la païenne ou la mère. Les Danses macabres se multiplient également à partir des années 1430. A Bâle, une Danse macabre ornait dès 1439-1440 le côté intérieur du cimetière laïc jouxtant le couvent des Dominicains. Aux Dominicains de Strasbourg, une Danse macabre sera peinte en 1474 et témoigne d’une grande originalité par la mise en avant d’une mort en groupe soulignant d’autant l’impuissance de l’humanité face à cette échéance. Au XVIe siècle, une Danse macabre de 80 à 100m de long sera peinte à Berne par Niklaus Manuel Deutsch sur le mur du cimetière des Dominicains, accessible à tous.  

Enfin, le sujet connaîtra également une large diffusion à travers des gravures comme celles de Hans Holbein le Jeune.


Votre conférencière :

Anne Vuillemard-Jenn est docteur en histoire de l’art, enseignante et chercheur indépendant. Membre du Groupe de Recherches sur la Peinture Murale, elle poursuit des recherches sur la polychromie architecturale et la peinture monumentale.


À lire pour aller plus loin :

André Corvisier, Les Danses macabres, Presses Universitaires de France, 1998.

Jean Wirth, La Jeune fille et la Mort : recherches sur les thèmes macabres dans l'art germanique de la Renaissance, Genève, Droz, 1979.

Hans Georg Wehrens, Der Totentanz im alemannischen Sprachraum. « Muos ich doch dran - und weis nit wan ». Ratisbonne : Schnell & Steiner, 2012.

Yves Coativy, Ilona Hans-Collas, Didier Jugan, Danielle Quéruel (dir.), "Hirie Dime, Varchoas Dide". La mort et ses représentations. Actes du XXe Congrès de l'association Danses macabres d'Europe à Brest, Brest, CRBC, coll.Kreiz, 2023.

H.-J. Greif, « Peindre sa mort et celle des autres : Danse macabre de Niklaus Manuel Deutsch », Frontières

, 2007, 19(2), 12–18.