Dans l’atelier des chefs-d'œuvre : dessiner, peindre, graver, sculpter - partie III : graver comme Rembrandt

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Les institutions artistiques publiques, musées ou écoles d’art, de même les initiatives privées, fondations ou foires, obéissent aujourd’hui aux critères propres au marché de l’art. Ce qui doit être vu, ce qui est doté d’une valeur financière, ce qui est exceptionnel ou en voie de disparition, sont devenus les principes conduisant amateurs ou néophytes à fréquenter massivement expositions ou manifestations. La fréquentation du public serait favorable à l’obtention de budgets et à l’essor du mécénat !

Une exposition devrait idéalement réunir l’adhésion du milieu professionnel le plus exigeant et du public le plus large. Pour que ce grand écart se réalise, le pouvoir de l’image est sollicitée : toujours un chef-d’œuvre, souvent recadré et diffusé sur tous les supports publicitaires. Sur papier ou sur écran, en grand format ou de très petites dimensions, l’image prend l’aspect d’une icône de programme informatique, identifiable par son sujet, sa composition et ses couleurs, sa surface lisse et brillante flattant nos rétines. Mais en fait que regardons-nous ?

Toute œuvre d’art répond à un programme, personnel ou commandité, puis à un projet et une réalisation matérielle, enfin à sa présentation définitive ou éphémère. Intéressons nous à cette fabrication. Dessiner, peindre, graver, sculpter, autant de techniques artistiques qui ont évolué en Occident selon la variété des sujets, les découvertes scientifiques, la nature des supports, les effets de mode, l’engouement des amateurs, le goût des collectionneurs, les moyens de reproductions, la diffusion de ces dernières...


Graver comme Rembrandt

Les gravures de Rembrandt Harmenszoon van Rijn forment une œuvre inattendue, conduite par d’incessantes expérimentations autour d’une discipline artistique relativement récente. L’imprimerie avait jusqu’alors réduit les images gravées contenues dans les premiers ouvrages imprimés à la reproduction d’un dessin au trait. Le maitre hollandais va bousculer la technique de la gravure sur cuivre jusqu’alors vouée aux incises solitaires ou hachures croisées, comme l’était la xylographie avec les pleins et les vides et l’ajout restreint de couleurs en aplats. Superpositions, travail en plusieurs états, repentirs, saturations, ouvrent des perspectives que seule les inventions de la quadrichromie et de la photographie sauront surpasser.

La gravure, l’aquatinte, la lithographie, les monotypes, continueront de se développer avec toujours la même vocation que celle d’Albrecht Dürer, autre illustre graveur : manipuler des œuvres légères, signées, reproduites en nombre limité et financièrement abordables. Progressivement, la gravure va donc s’affranchir de la reproductibilité d’une œuvre (dessin, peinture, sculpture) pour développer chez certains artistes un univers propre à cette technique.

Les cabinets d’estampes qui naguère dressaient l’inventaire des œuvres d’art les plus célèbres via des gravures, sont devenus aujourd’hui des références incontournables pour comprendre la fortune critique d’un artiste mais aussi l’essor du marché de l’art.


Votre conférencier :

Stéphane Dubois-dit-Bonclaude est historien de l’art, dessinateur et auteur de plusieurs ouvrages sur les arts appliqués. Il a conduit sa carrière professionnelle à Genève plus sensiblement auprès du Service cantonal de la culture.


Les dates à retenir :

~ 35’000 av. JC La grotte Chauvet est ornée de motifs tracés témoignant de l’art pariétal.

~ 3 000 av. JC L'écriture apparaît dans la vallée du Nil, ce sont les premiers hiéroglyphes.

~ 2700 av. JC La civilisation des Cyclades invente une sculpture synthétique et quasi abstraite.

~ 1000 Naissance de la peinture lettrée en Chine.

Avant 1250 Villars de Honnecourt, maître d’œuvre réalise son célèbre carnet de dessins.

1424 :Jan van Eyck perfectionne la technique de la peinture à l’huile.

1450-1475 : les orfèvres favorisent l’essor de la gravure sur cuivre : Maso Finiguerra au sud des Alpes, Martin Schongauer dans les pays rhénans.

1504 : Michel-Ange achève son David, réponse formelle et monumentale à toutes les découvertes antiques mises à jour à Rome.

1540 : Jean Clouet, immense dessinateur, est nommé Peintre du Roi par François Ier.

1673 : le cylindre à papier inventé par les Hollandais révolutionne l’industrie papetière en Europe.

1841 : le brevet d'invention du tube de peinture est déposé à Londres par le peintre américain John Goffe Rand.

1910 : Vassily Kandinsky réalise ses premières improvisations qui annoncent avec un demi-siècle d’avance le Tachisme, mouvement issu de l’abstraction lyrique.

1970 : Robert Smithson trace dans le Grand Lac Salé son œuvre emblématique du Land Art : Spiral Jetty.

2009 : David Hockney commence à dessiner sur son Iphone puis son Ipad.


À lire pour aller plus loin :

Histoires d’images. Robert Walser, 1927, Zoé.

Le voyageur passionné. Bernard Berenson, 1956, Salvy

L’amour de la peinture. Claude Roy, 1956, Gallimard.

L’œuvre au noir. Marguerite Yourcenar, 1968, Gallimard.

Maîtres et serviteurs. Pierre Michon, 1990, Verdier.

Le détail, pour une histoire rapprochée de la peinture. Daniel Arasse, 1992, Flammarion.

Les Onze. Pierre Michon, 2009, Verdier.

Bonjour, Monsieur Courbet. Philippe Jaccottet 1956-2008, 2021, La Dogana.

On ne reporte pas le printemps. David Hockney et Martin Gayford, 2021, Le Seuil.

Visioconférence en VOD

Stéphane Dubois
02_Histoire de l’art