Pierre Paul Rubens (1577-1640), un maître du baroque à Anvers

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« Rubens, fleuve d’oubli […] où la vue afflue et s’agite sans cesse ». Cette image, que fixe à tout jamais Baudelaire dans son poème « Les Phares », correspond probablement à celle qu’avaient de lui ses contemporains. Bellori parle de l’« Agilité » et de la « frénésie de son pinceau » et Rubens lui-même écrit à l’agent du roi d’Angleterre : « Je confesse d’être par instinct naturel plus propre à faire des ouvrages bien grands que des petites curiosités. Chacun a sa grâce : mon talent est tel que jamais entreprise encore qu’elle fut démesurée en quantité et en diversité de sujets n’a surmonté mon ouvrage ».

Après quelques apprentissages artistiques dans l’atelier de plusieurs peintres médiocres, sa chance fut de rentrer comme page auprès de Marguerite de Ligne-Arenberg, veuve de Philippe, comte de Lalaing. Il trouva là à se familiariser très tôt avec les seigneurs de l’époque. Aussi put-il continuer sa formation chez le peintre anversois maniériste Otto Vaenius, de 1594 à 1598, complétée par un long séjour en Italie (1600-1608). En dix ans, il se trouva fin prêt à conquérir l’Europe et à commencer une série de voyages à travers le continent qui allaient lui permettre de mettre à profit son acquis, de connaître les chefs-d’œuvre de son temps, de se constituer un répertoire pictural d’une grande richesse, de fréquenter les puissants et d’obtenir ses premières commandes auprès des princes italiens.

Cependant, et c’est là que réside tout l’intérêt de notre propos, 1609 fut une année remarquable : nommé peintre de cour de l’archiduc Albert et de son épouse Isabelle, régents de Flandre, il obtint la permission de s’installer à Anvers au lieu de devoir séjourner à Bruxelles. D’innombrables commandes ne tardèrent pas à affluer. Il jouissait à Anvers de la protection influente de Nicolas Rockox, échevin puis premier bourgmestre, qui lui assura la commande de sa première Adoration des Mages (Prado), offerte trois ans plus tard au roi d’Espagne. En outre, héroïnes de la Bible, comme déesses de l’Antiquité, eurent en commun d’inspirer à Rubens les mêmes nus magnifiques qui dénotent chez lui le tempérament ardent et sensuel qui le caractérise. Mais un seul homme pouvait-il faire face à un tel afflux de commandes ? Dans son atelier anversois, le Maître fit participer des collaborateurs spécialisés comme le paysagiste Jan Wildens, les peintres animaliers Paul de Vos et Frans Snyders ou le peintre de fleurs Jan Brueghel. L’un des plus grands de son temps sut s’entourer des meilleurs et former la génération suivante dont le célèbre Van Dyck. Mais c’est là une toute autre histoire...


Votre conférencier :

Docteur en Histoire de l’Art moderne de l’université Michel de Montaigne (Bordeaux 3), enseignant en classes préparatoires, Christophe Levadoux est spécialiste de l’Histoire de l’Architecture et des arts décoratifs français au XVIIIe siècle, à travers notamment le mécénat artistique des princes de Bourbon-Condé. Auteur de nombreux articles scientifiques liés à son sujet de spécialité et au patrimoine auvergnat, sa thèse Louis-Henri de Bourbon (1692-1740), prince des Lumières doit être publiée prochainement en deux volumes (vol. 1. Les bâtiments ; vol. 2. Les objets d’art). Conférencier reconnu en région Rhône-Alpes-Auvergne, son esprit résolument progressiste et iconoclaste le pousse à vulgariser l’Histoire de l’Art auprès d’un public avide de ses présentations érudites et décalées. Sa devise ? « Le courage a le mérite que l’on se doit pour exister » Sonia Lahsaini.


Les dates à retenir :

28 juin 1577 : Petrus Paulus Rubens naît à Siegen en Westphalie, fils de Jan Rubens.

1578 : la famille Rubens s'installe à Cologne.

1587 : Jan Rubens meurt à Cologne.

1589 : la mère de Rubens, veuve, retourne vivre à Anvers avec ses enfants.

1590 : Rubens commence son éducation picturale à Anvers.

1600 : Van Veen met Rubens en contact avec le duc Vincent Ier de Mantoue.

Mai 1600 : Rubens part en voyage en Italie.

1602 : À Rome, Rubens, est chargé par l'archiduc Albert, gouverneur des Pays-Bas, de décorer de 3 panneaux la chapelle Ste-Hélène, dans l'église Santa Croce in Gerusalemme.

Décembre 1608 : Rubens apprend l'état de santé alarmant de sa mère et quitte l'Italie pour Anvers.

23 septembre 1609 : Rubens est nommé peintre de la cour de l'Archiduc Albert.

Novembre 1609 : Rubens épouse Isabelle Brandt, fille de Jean Brandt, échevin d'Anvers.

1610 : Snijders participe à l'atelier de Rubens, et collabore notamment au tableau Philopœmène reconnu par ses hôtes.

1611 : Rubens commence à peindre le retable triptyque L'Erection de la croix à l'église Ste-Walburge d'Anvers.

1617 : Van Dyck entre dans l'atelier du peintre Rubens, à Anvers.

1620 : Rubens signe un contrat avec les Jésuites pour le décor de leur église anversoise. Van Dyck l'assiste dans l'exécution des 39 compositions constituant le décor plafonnant de l'église.

1622 : Louis XIII demande à Rubens une série de 12 tapisseries sur l'Histoire de Constantin.

Avril 1629 : Philippe IV envoie Rubens à Londres pour conclure un traité anglo-espagnol.

17 avril 1635 : le cardinal-infant Ferdinand (frère de Philippe IV d'Espagne) fait son entrée à Anvers décoré par Rubens.

30 mai 1640 : Pierre-Paul Rubens meurt à Anvers.


À lire pour aller plus loin :

Alexis Merle du Bourg, Peter Paul Rubens et la France, Presses Universitaires du Septentrion, 2004.

Nadeije Laneyrie-Dagen, Rubens, Hazan, 2003.

Philippe Muray, La Gloire de Rubens, Grasset, 1991 ; rééd. Les Belles Lettres, 2013.

Le siècle de Rubens, catalogue d'exposition, Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, 1965.

Arnout Balis, Blaise Ducos, Jeroen Duindam, Marc Fumaroli, Paul Huvenne, David Jaffé, Corinne Thépaut-Cabasset (préf. Alain Denizot & Xavier Dectot), L'Europe de Rubens, [exposition, Lens, Musée du Louvre-Lens, 22 mai-23 septembre 2013], Musée du Louvre-Lens & Éditions Hazan, 2013.


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