Angelica Kauffmann, "Raphaël parmi les femmes". A l'occasion de l'exposition à la Royal Academy de Londres
En ce 8 mars consacré à la journée de la femme, il est encore nécessaire de réhabiliter la production des artistes femmes dont la carrière, à l’image de celle d’Angelica Kauffmann (1741- 1807), a complètement été effacée de l’Histoire de l’Art au cours du XXème siècle. Aujourd’hui, la Royal Academy de Londres lui consacre une exposition (1er mars-30 juin 2024), car elle participa à sa fondation.
Dans les années 1960, Horst Janson, directeur du département d’histoire de l’art à l’université de New-York disait : « La contribution que les femmes ont apportée à l’histoire de l’art est tout à fait mineure. Elles n’ont pas beaucoup compté. » Aujourd’hui, grâce aux études de nombreux chercheurs qui se sont emparés de la question du « genre » nous savons que les femmes peintres ont bien compté. Bien qu’elles aient fait partie d’une minorité, la carrière de certaines femmes fut fulgurante et extrêmement reconnue en leur temps. Pourtant, leur production comme celle d’Angelica Kauffmann a pendant longtemps été oubliée des grands ouvrages d’histoire de l’art, cours universitaires ou encore reléguée dans les réserves ou arrières salles des musées parfois sans attributions. Cependant, les œuvres de ces femmes artistes pouvaient être extrêmement recherchées en leur temps. Ainsi l’exprimait déjà le peintre Lanfranco au XVIIème siècle auprès d’un marchand romain : « Je ne m’étonne pas qu’ayant donné mon tableau à voir à qui vous savez, Sa Grâce l’ait ensuite appelé […] « une cochonnerie qu’on aurait dit peinte par une femme ». Ce à quoi je lui ai répondu que si mon œuvre avait été peinte par une femme, Monseigneur s’en serait aperçu : elle lui aurait coûté trois fois plus cher ! ».
Angelica Kauffmann fait partie de ces femmes artistes qui ont eu un rôle majeur au sein de l’art européen du XVIIIème siècle. D’origine suisse, la jeune fille fait ses armes auprès de son père également peintre. Témoin de ses talents précoces, ce dernier l’entraîne dans un tour de l’Europe auprès des cours les plus prestigieuses. En Italie, son talent est tout d’abord remarqué à travers les portraits qu’elle peint de l’aristocratie, à l’image d’Elisabeth Vigée le Brun. Elle y fait la connaissance des peintres américains et anglais : Benjamin West et Nathaniel Dance et se rapproche du grand érudit allemand : Johann Joachim Winckelmann et du poète Goethe.
Appelée à Londres, elle se lie d’amitié avec l’académicien Joshua Reynolds et devient l’une des deux seules femmes à faire partie de la Royal Academy. Angelica Kauffmann peint également des sujets d’histoires antiques, genre habituellement réservé à la gent masculine. Elle achève sa carrière en Italie et c’est Antonio Canova en personne qui se charge de ses funérailles, qu’il veut à l’image grandiose de celles organisées à la mort de Raphaël. On la surnommait alors la « dixième muse de Rome » ou « Raphaël parmi les femmes ».
Partons à la découverte de la production de cette grande artiste, au Siècle des Lumières.
Votre conférencière :
Docteure en Histoire de l’Art, Elsa Trani a enseigné pendant dix ans au sein des universités de Montpellier et d’Aix-en-Provence. Spécialisée dans la peinture ancienne, sa carrière a débuté en tant qu’assistante de conservation au musée Fabre de Montpellier ainsi qu’au contact des conservateurs de la DRAC Occitanie pour la réalisation de sa thèse de Doctorat portant sur la peinture à Montpellier et dans le Midi aux XVIIème et XVIIIème siècles. Conférencière indépendante en Histoire de l’Art et enseignante en Histoire-Géographie, ses recherches se poursuivent autour de nombreux thèmes : la peinture régionale, les femmes peintres, les académies de peinture, la théorie de l’art, les grands maîtres de la Renaissance italienne…
Les dates à retenir :
20 octobre 1741, naissance d’Angelica Kauffmann à Coire, en Suisse.
1753 : Angelica Kauffmann réalise son premier autoportrait à l’âge de 12 ans et suit son père en Lombardie puis à Milan.
5 octobre 1762 : Angelica Kauffmann est nommée membre d’honneur de l’Académie de Bologne.
1763 : l’artiste se fixe à Rome pendant deux ans, accompagnée de son père.
5 mai 1765 : l’artiste devient membre de l’Académie de Saint-Luc.
1766 : le père et la fille arrivent à Londres, à l’invitation de Lady Wentworth.
1768 : Angelica Kauffmann participe à la création de la Royal Academy de Londres et peint pour les membres de la famille royale.
1782 : retour à Rome où elle établit son atelier avec son époux.
1794 : Angelika Kauffmann peint l’un de ses plus beaux autoportraits, tiraillée entre l’allégorie de la Musique et de la Peinture.
5 novembre 1807 : Angelica Kauffmann est enterrée à Rome, sous les honneurs.
À lire pour aller plus loin :
Harris-Linda Nochlin, Femmes peintres 1550-1950, Paris, Editions des femmes, 1981.
Françoise Pitt-Rivers, Le Destin d’Angelica Kauffmann : une femme peintre dans l’Europe du XVIIIème siècle, Paris, Biro Editeur, 2009.
Martine Lacas, Des femmes peintres. Du XVe à l’aube du XIXe siècle, Paris, Editions Seuil, 2015.
Cat. Exp. Vorarlberger Landesmuseum, Bregenz and Angelika Kauffmann Museum, Schwarzenberg, 14 Juin - 5 Novembre 2007, Angelica Kauffmann : a woman of immense talent.
Cat. Exp. Ausstellungen, Kunstpalast, Düsseldorf, 30 janvier - 24 mai 2020 ; Royal Academy of Arts, London, 28 juin – 20 septembre 2020, Verrückt nach Angelika Kauffmann.