Tiziano Vecellio (1488–1576) dit le Titien : la couleur et le geste
En 1577, dans son « Dialogue de la peinture », l’écrivain vénitien Ludovico Dolce, dépeint Titien comme un peintre sans rival ayant absorbé l'art vénitien. Il écrit : " C'est en Titien seul que l'on voit rassemblées à la perfection toutes les excellentes caractéristiques qui ont été présentes individuellement chez d’autres". Certes, c’est le point de vue d’un admirateur inconditionnel du peintre mais le succès considérable qu’eut Titien tout au long de sa vie auprès d’une clientèle variée - patriciens, doges, princes de sang, grands prélats ou empereurs - nous invite à voir dans le propos de Dolce plus qu’une simple figure de style, une évidence ! Et aujourd’hui encore, Titien n’est-il pas considéré comme un des plus grands peintres de la Renaissance avec Léonard de Vinci, Raphaël et Michel-Ange ? Mais qui fut Titien ce « prince de la peinture » ?
Tiziano Vecellio (1488-1576), connu sous le nom de Titien, naquit à Cadore di Pieve en Vénétie vers 1488. Adolescent, il émigra à Venise pour devenir peintre. La Sérénissime était alors une République puissante et en pleine ébullition artistique. Formé dans l’atelier de Gentile Bellini, plutôt traditionnel, il se rapprocha rapidement de jeunes artistes « modernes » comme Giovanni Bellini et surtout Giorgione. Convaincu par leur approche luministe de la couleur, le jeune Titien fut aussi séduit par l’approche naturaliste des peintres du nord et notamment par Albrecht Dürer.
C’est en 1508 qu’il entame sa « traversée du siècle » en participant aux côtés de Giorgione à la décoration à fresque du Fondaco dei Tedeschi et déjà il se distingue de son aîné. Dès lors la trajectoire artistique de Titien sera rythmée par une suite ininterrompue de succès jusqu’à sa mort ! Cette réussite peu ordinaire fut celle d’un artiste exceptionnel doublé d’un homme d’affaires pragmatique soucieux des désirs de ses commanditaires. Titien fut donc aussi un artiste ambitieux installé dans son époque ! Mais qu’il s’agisse d’œuvres intimistes et sensuelles, de portraits ou d’œuvres plus politiques, toujours Titien tirera son épingle du jeu grâce à sa créativité sans fin. On peut s’interroger sur cette dernière. Fut-elle stimulée par la nécessité de tenir son rang de « leader » face à de nombreux rivaux ? Ou alors cette créativité fut-elle liée à la personnalité d’un artiste qui doté d’un talent exceptionnel et d’une belle assurance était parvenu à une liberté plus grande que la plupart de ses pairs ? Tout cela se discute…jusqu’aux œuvres « tardives » du maître dans lesquelles la touche est totalement libre et où les doigts du peintre deviennent ses pinceaux. Liberté du geste, liberté totale : ce style tardif en dérouta plus d’un, comme cet ambassadeur d'Espagne à Venise, un plaisantin, qui estima que pour peindre ces tableaux là, Titien avait utilisé des " pinceaux ressemblant à des balais. » Un avis quelque peu excessif que n’aurait sans doute partagé ni Rubens, ni Velazquez et encore moins Rembrandt !
Votre conférencier :
Diplômé de l’École du Louvre et de l’université Paris-IV-Sorbonne, Fabrice Delbarre est Guide conférencier-national.
Les dates à retenir :
1488 : naissance de Tiziano Vecellio dit Titien à Cadore di Pieve.
1508 : Titien travaille aux fresques de la façade du Fondaco dei Tedeschi à Venise compagnie de Giorgione.
1510-1511 : Titien est actif à Padoue.
1525 : Titien épouse Cecilia qui lui donne trois enfants Pomponio, Orazio, Lavinia. Les deux premiers deviendront peintres.
1533 : Titien peint à Bologne le portrait de Charles Quint. Ce dernier l’anoblit.
1548-1549 : il travaille à Rome pour le pape Paul III (Farnèse), puis se rend à Augsbourg sur la demande de Charles Quint.
1551 : Titien décide de rentrer et de s’installer définitivement à Venise.
1556 : mort de l’Arétin, un de ses ami les plus proches.
1576 : son fils Orazio meurt de la peste à Venise.
1576 : Titien décède de la peste ou de vieillesse.
À lire pour aller plus loin :
David Rosand, Peindre à Venise au XVIe siècle, Titien, Véronèse, Tintoret, Paris, 1993.
David Rosand, Titien : « L’art plus fort que la nature », Gallimard, 1993.
Augusto Gentili, Titien, Actes Sud, Arles, 2012.
Daniel Arasse, On y voit rien, Gallimard, Paris, 2003.