Histoire d’une œuvre : La Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix

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Il y a 192 ans exactement, le 27 juillet 1830, s’ouvrait la première des trois journées révolutionnaires célébrées comme Les Trois Glorieuses. Eugène Delacroix en témoigna avec tant de fougue et d’enthousiasme que l’on ne peut y songer aujourd’hui sans penser immédiatement à son tableau, La Liberté guidant le peuple. Présenté au Salon de 1831, le tableau pourtant rapidement caché au public, n’en devint pas moins à la fois symbole révolutionnaire, manifeste artistique du courant romantique français et élément déclencheur de la brillante carrière publique de son auteur.

Mais en y regardant bien, l’œuvre suscite de nombreuses questions à commencer par le choix du sujet par un artiste nullement engagé dans cette révolte républicaine mais fervent partisan de l’Empire. Par ailleurs, les scènes inspirées de faits contemporains sont rares dans la production de Delacroix qui privilégiait les sujets orientalistes et littéraires. Il est vrai que sa dernière exposition au Salon s’était conclue sur un retentissant scandale qui lui fermait toute possibilité de commandes officielles. Peut-être s’agissait-il alors de se réhabiliter aux yeux des instances décisionnaires par une œuvre dont Delacroix aurait soigné la triple portée : politique, sociale et esthétique ?


Votre conférencière :

Nathalie Douay est historienne de l'art et conférencière nationale.


Les dates à retenir :

1798 : naissance le 26 avril à Charenton-Saint-Maurice d’Eugène Delacroix dont le père Charles était un haut fonctionnaire et la mère Victoire apparentée à Jean-François Oeben, l’ébéniste des rois Louis XV et Louis XVI.

1817 : après avoir étudié auprès du peintre Pierre-Narcisse Guérin (1774-1833) dans son atelier, Delacroix intègre sa classe à l’école des Beaux-arts de Paris où il fait la connaissance de Théodore Géricault.

1822 : lors de sa première exposition au Salon, sa toile Dante et Virgile aux enfers est remarquée par la critique qui le saluera deux ans plus tard comme chef de file du mouvement romantique lors de la présentation des Massacres de Scio.

1827 : scandale de la présentation de La Mort de Sardanapale au Salon officiel qui le prive de commandes officielles.

27, 28 et 29 juillet 1830 : journées d’émeutes révolutionnaires mettant fin au règne de Charles X et instaurant celui de Louis-Philippe 1er, roi des Français. Eugène Delacroix commémore le troisième jour de ces Trois Glorieuses.

1831 : présentation au Salon de La Liberté guidant le Peuple, immédiatement acquise par Louis-Philippe 1er pour le compte du musée royal et presque aussi rapidement mise en réserve.

1832 : Delacroix accompagne l’émissaire du roi au Maroc. L’année suivante, il reçoit sa première commande officielle (la décoration du salon du roi au Palais Bourbon) qui sera suivie de nombreuses autres prestigieuses.

1855 : lors de l’Exposition Universelle, une exposition rétrospective de 42 toiles souligne son talent, reconnaissance confirmée l’année suivante par l’acceptation de sa candidature (à la septième tentative) à l’Académie des Beaux-arts.

1863 : Eugène Delacroix décède le 13 août à Paris à l’âge de 65 ans. De nombreux artistes, tels Gustave Courbet ou Henri Fantin-Latour, lui rendent hommage. Leur attachement à celui qu’ils considèrent comme un maître aboutira en 1932, à la création du musée Eugène Delacroix à Paris.

1874 : Après avoir été décrochée, rendue à Delacroix puis conservée dans des réserves, La Liberté guidant le peuple est définitivement présentée au public du musée du Louvre.


À lire pour aller plus loin :

Delacroix, catalogue de l’exposition au musée du Louvre, 2018.

Arlette Serullaz et Vincent Pomarède, La Liberté guidant le peuple, éditions du Louvre, 2013.

Dominique de Font Réaulx (dir.), Eugène Delacroix, écrivain, témoin de son temps, musée national Eugène Delacroix, éditions Flammarion, 2014.

Dans l’atelier – La création à l’œuvre, catalogue de l’exposition du musée national Eugène Delacroix, 2019.