Le Disque de Phaistos, un mystère archéologique
L’île de Crète a connu tout au long de l’âge du Bronze le développement de la civilisation minoenne qui s’est répandue au fil des siècles dans le bassin égéen, en influençant les Mycéniens, qui étaient en train de se développer sur le continent, et la culture cycladique. Cette civilisation raffinée et originale garde encore le secret de ses origines. Née sur une île largement peuplée au moins depuis la période néolithique grâce à l’arrivée probablement de populations anatoliennes ou proche-orientales, la culture minoenne a livré les traces de trois écritures principales (le hiéroglyphique, le linéaire A et le linéaire B) parmi lesquelles seulement la dernière a été déchiffrée et correspond à un dialecte grec archaïque. Mais l’île de Crète a livré également quelque document écrit isolé, présentant des signes différents qui ne correspondent qu’en partie aux autres écritures attestées. C’est le cas de la hache d’Arkalochori et du disque de Phaistos. Ce dernier a été découvert par Luigi Pernier en 1908 dans le secteur nord-oriental du palais homonyme (pièce 101), à l’intérieur d’un réceptacle rectangulaire abritant également d’autres objets. Tout en étant encore aujourd’hui un unicum, le disque en terre cuite est désormais bien intégré d’un point de vue chronologique et artisanal dans le contexte des productions du site de Phaistos au début de la période néopalatiale (Minoe moyen III A, première moitié du XVIIe siècle av. J.-C.). Après multes discussions, l’hypothèse aujourd’hui la plus suivie par les spécialistes est celle d’un objet de nature rituelle, probablement ayant une fonction cultuelle (hymne sacré ?), produit à Phaistos et utilisé lors de cérémonies qui devaient se dérouler dans l’enceinte de l’ancien palais minoen détruit par un tremblement de terre à la fin du Minoen Moyen II (ca. 1700 av. J.-C.) et réoccupé seulement en partie puisque la capitale régionale avait été désormais déplacée dans le site tout proche d’Haghia Triada.
Restent à identifier la ou les langues qui étaient parlées par les Minoens dont celle qui se cache derrière l’écriture du disque de Phaistos, un problème complexe lié à l’origine du peuplement de l’île et dont la solution ne pourra venir que de la découverte de nouveaux textes et d’une augmentation du nombre de signes attestés.
Image : File:PhaistosDiskLarge.jpg
Votre conférencière :
Professeur d’archéologie grecque à l’Université de Strasbourg et membre de l’UMR 7044 Archimède depuis 2003, Daniela Lefevre-Novaro est ancien membre de la Scuola Archeologica Italiana di Atene et, après avoir fouillé les sites minoens de Phaistos et Haghia Triada, dirige actuellement la fouille de l’agora de Dréros (Crète). Ses spécialités sont l’archéologie du paysage, la protohistoire égéenne (civilisations minoenne et mycénienne), l’histoire et l’archéologie de la religion grecque, l’archéologie et l’histoire de la Grèce archaïque.
Les dates à retenir :
IIIème millénaire – XIIème siècle : développement de la civilisation minoenne.
ca. 1900-1700 : période des premiers palais minoens (chronologie traditionnelle).
ca. 1700-1450 : période des seconds palais minoens.
Minoen Moyen III (XVIIème siècme) : chronologie du disque de Phaistos.
ca. 1450-1200 : développement de la Crète mycénienne.
À lire pour aller plus loin :
Anastasiadou M. 2016, « The Phaistos disc as a genuine Minoan artefact and its place in the stylistic milieu of Crete in the Protopalatial period », Creta Antica 17, p. 13-57.
Cucuzza N. 2015, « Intorno alla autenticità del “Disco di Festòs », Quaderni di Storia 81 p. 93-124.
Duhoux Y. 1977, Le disque de Phaestos. Archéologie, epigraphie, édition critique, index, Louvain-la-Neuve.
Godart L. 1995, Le disque de Phaistos. L’énigme d’une écriture, Paris.
Olivier J.-P. 1975, « Le disque de Phaistos. Édition photographique », BCH 99, p. 5-34.
Poursat J.-P. 2008, L’art égéen 1. Grèce, Cyclades, Crète jusqu’au milieu du IIe millénaire av. J.-C., Paris.