Les batailles de Crécy et de Poitiers (1346, 1356) : la France face au gouffre pendant la guerre de Cent Ans
La défaite de Crécy en 1346, et plus encore celle de Poitiers en 1356 où le roi Jean II le Bon est capturé par les Anglais, sont l’illustration des grandes difficultés qui touchent la France des Valois au début de la guerre de Cent ans. Alors que le roi Édouard III a lancé avec succès une série d’opérations contre le royaume, et que les Français doivent renforcer la défense de leur territoire, la monarchie est contrainte de mettre en place un lourd dispositif pour mobiliser la France dans la guerre.
Tous les domaines de la vie publique sont concernés, qu’il s’agisse du déploiement des forces militaires et des activités diplomatiques, du développement de l’impôt et de la protection des ressources, de l’organisation des institutions et de la concertation avec la population pour soutenir l’effort de guerre. Or les Français subissent les conséquences des défaites, auxquelles s’ajoutent les malheurs du XIVème siècle, en particulier la pandémie de peste noire. En 1356, la révolte gronde à Paris. Le royaume est exsangue. La France est-elle au bord du gouffre ?
Les batailles de Crécy et de Poitiers constituent une clé d’entrée pour comprendre les caractéristiques militaires et géopolitiques de la guerre de Cent ans. Elles permettent d’analyser l’art de la guerre et la place du combattant dans deux des plus puissants royaumes d’Occident. Elles témoignent de l’importance nouvelle de la guerre dans la vie du royaume et du poids qu’elle fait peser sur ses habitants. Comment la monarchie parvient-elle à les mobiliser ? Comment les Français réagissent-ils aux défaites ? Quels sont les issues que la France des Valois a pu trouver pour d’abord négocier la paix grâce au traité de Calais de 1360, puis lancer une contre-offensive largement victorieuse sous Charles V, le successeur de Jean II le Bon ?
Votre conférencier :
Professeur d’histoire du Moyen Âge en Classes préparatoires à l’École nationale des Chartes, Loïc Cazaux est docteur en histoire médiévale de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et agrégé d’histoire. Il est spécialisé dans l’histoire de la guerre et du pouvoir royal à la fin du Moyen Âge. Il a publié différents ouvrages et articles sur les armées et les combattants, le droit de la guerre et la justice, les institutions monarchiques, les confrontations entre les pouvoirs au Moyen Âge.
Les dates à retenir :
1328 : avènement de Philippe VI de Valois à la suite de la mort sans héritier du dernier roi capétien, Charles IV le Bel. Le roi de France Philippe VI, cousin germain de Charles IV, est contesté par le roi d’Angleterre Édouard III, son vassal comme duc d’Aquitaine. Celui-ci réclame la Couronne de France en raison de sa mère, Isabelle de France, fille de Philippe IV le Bel.
1337 : début de la guerre de Cent ans après la confiscation par Philippe VI du duché d’Aquitaine, afin de punir Édouard III qu’il accuse de félonie.
1339 : chevauchée anglaise en Thiérache et Cambrésis.
1340 : Édouard III se proclame roi de France. Victoire navale des Anglais à la bataille de l’Écluse près de Bruges et destruction de la flotte française.
1341 : déclenchement de la guerre de Succession de Bretagne entre la maison de Montfort, soutenue par l’Angleterre, et la maison de Blois, soutenue par la France. La guerre dure jusqu’à la défaite des Français à la bataille d’Auray en 1364.
1346 : en juillet, après avoir débarqué dans le Cotentin, l’armée d’Édouard III se lance dans le siège de Caen et dans une chevauchée qui tire jusqu’à la région parisienne, puis remonte dans le Ponthieu. Le 26 août, les Anglais battent l’armée de Philippe VI à Crécy. En septembre, Édouard III met le siège devant Calais, qui finit par s’ouvrir aux Anglais en été 1347.
1347-1349 : la pandémie de peste noire ravage le royaume de France, et le reste de l’Europe.
1349 : Philippe VI acquiert le Dauphiné, concédé au prince héritier Charles (futur Charles V), ainsi que Montpellier.
1350 : mort de Philippe VI de Valois. Début du règne de Jean II le Bon (1350-1364).
1351 : trêve franco-anglaise.
1355 : reprise de la guerre de Cent ans. Réunion des états à Paris.
1356 : emprisonnement de Charles II de Navarre qui conteste les droits du Valois Jean II le Bon à la Couronne de France. Chevauchée du Prince noir, le fils d’Édouard III, depuis l’Aquitaine. Elle aboutit à la victoire des Anglais près de Poitiers (19 septembre), et à la capture du roi Jean II le Bon. La France sombre dans la crise. Réunion des états à Paris en octobre.
1357 : réunion des états à Paris et montée en puissance du prévôt des marchands Étienne Marcel, parallèlement à Charles II de Navarre, qui s’échappe. Projet de réforme de la monarchie auquel tâche de répondre le dauphin Charles V.
1358 : révolte parisienne menée par Étienne Marcel et assassinat des maréchaux de France. Révolte paysanne de la jacquerie au nord de l’Ile-de-France. Assassinat d’Étienne Marcel, puis reprise en main de la capitale par le dauphin et régent Charles.
1359 : Édouard III tente sans succès, après le traité de Londres entre la France et l’Angleterre, de rentrer dans Reims pour s’y faire sacrer roi de France.
1360 : traité de paix de Brétigny-Calais qui donne l’Aquitaine à l’Angleterre.
À lire pour aller plus loin :
Loïc Cazaux, Atlas des guerres au Moyen Âge. Occident, Byzance et Orient du Ve au XVe siècle, Paris, Autrement, 2024.
Loïc Cazaux Loïc, Les capitaines dans le royaume de France. Guerre, pouvoir et justice, Paris, Honoré Champion « Histoire & Archives », 2 vol., 2022.
Philippe Contamine, La guerre de Cent ans, Paris, Presses universitaires de France « Que sais-je ? », 2021.
Jean-Marie Moeglin (dir.), Dictionnaire de la guerre de Cent ans, Paris, Bouquins, 2023.
David Fiasson, Crécy, 1436. La bataille des cinq rois, Paris, Perrin, 2022.
Amable Sablon du Corail, La guerre de Cent ans. Apprendre à vaincre, Paris, Passés Composés, 2022.