Archéologie du mur de l’Atlantique et autres lignes de défense de la Seconde Guerre mondiale
Depuis la fin des années 1990, les archéologues français en sont venus à s’intéresser pour la première fois aux vestiges des deux guerres mondiales présents sur le territoire national. Après le temps de la Grande guerre vint celui de la Seconde Guerre mondiale, et en particulier des nombreux sites du débarquement et de la bataille de Normandie. Cet épisode historique majeur a laissé une profonde empreinte dans le sol de cette région, tant dans la mémoire collective qu’au travers d’une multitude d’objets, de traces enfouies, ou de cicatrices encore visibles dans le paysage actuel. Cependant, ce patrimoine s’efface peu à peu, au gré de l’érosion des côtes et des sols, de l’aménagement du territoire, et de l’oubli qui succède à la disparition inéluctable des derniers témoins de l’événement. Afin de pallier ces pertes irrémédiables, l’archéologie se doit désormais de réagir, avec le soutien de la communauté publique. Ainsi s’est-elle officiellement donné, à la fin de l’année 2013, la mission de sauvegarder pour les générations futures ce pan considérable de la mémoire nationale et au-delà, de l’humanité tout entière concernée par les deux grands conflits mondialisés qui traversèrent la première moitié du XXème siècle. Les archéologues contribuent désormais à l’élaboration d’une recherche inédite, et interdisciplinaire, dédiée aux vestiges de la Seconde Guerre mondiale.
Parmi eux, ceux du mur de l’Atlantique, érigé par le IIIème Reich sur la côte occidentale de l’Europe, de la Norvège à la frontière espagnole, sont de loin les plus imposants. Menacés par l’érosion littorale et l’urbanisation, ils occupent désormais, après des décennies de désintérêt, une place de choix dans les recherches archéologiques en France. En Normandie notamment, des « bunkerarchéologues » en réalisent la première cartographie exhaustive et révèlent ce faisant l’hétérogénéité de son architecture qui, dans les faits, s’éloigne fréquemment des canons réglementaires tant vantés par la propagande nazie. D’autres grandes lignes défensives érigées au cours du conflit à travers l’Europe et au-delà sont également à l’étude : la ligne Maginot et son pendant allemand, la ligne Siegfried ; le Mur des Alpes ou Vallo Alpino et le Réduit national suisse ; le Südwall en Méditerranée ; ou encore la ligne Mareth en Afrique du nord. L’archéologie recense et dresse les plans de leurs derniers vestiges intacts. Elle assiste en outre les gestionnaires dans la mise en place d’une protection et d’une muséographie adaptées, à la hauteur de l’importance que revêt ce grand patrimoine de guerre pour la mémoire du XXème siècle.
Image : Hypothèses.
Votre conférencier :
Vincent Carpentier est archéologue à l’institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), docteur en histoire et archéologie et membre du Centre Michel de Bouärd de l’Université de Caen. Parmi les premiers archéologues français à avoir étudié et fouillé les vestiges de la Seconde Guerre mondiale, notamment sur le théâtre du débarquement et de la bataille de Normandie, il a cosigné en 2014 un ouvrage novateur sur ce thème et organisé en 2019, au Mémorial de Caen, un colloque international sur l’archéologie des conflits contemporains (à paraître en 2024). Il est aussi l’auteur de la première synthèse internationale dédiée à cette recherche émergente, Pour une archéologie de la Seconde Guerre mondiale, parue en 2022 aux éditions de La Découverte.
Les dates à retenir :
1928-1940 : construction de la ligne Maginot par la France.
1931-1941 : construction du Mur des Alpes par l’Italie et du Réduit national suisse.
1936-1940 : construction de la ligne Siegfried ou Westwall par l’Allemagne.
1er septembre : 1939 invasion de la Pologne.
22 juin 1940 : signature de l’armistice franco-allemand en forêt de Compiègne.
23 mars 1941 : Hitler émet sa directive n° 40, acte de naissance de l’Atlantikwall.
1er mars 1943 : suppression de la ligne de démarcation, construction du Südwall en Méditerranée.
16-28 mars 1943 : bataille de la Ligne Mareth en Afrique du nord.
3 novembre 1943 : Hitler émet sa directive n° 51 ordonnant le renforcement des côtes occidentales de l’Europe en vue du débarquement allié.
6 juin et 15 août 1944 : débarquements alliés de Normandie et de Provence.
25 août 1944 : libération de Paris.
27 janvier 1945 : libération du camp d’Auschwitz par l’Armée rouge.
8 mai 1945 : capitulation allemande à Berlin, libération de l’Europe.
2 septembre 1945 : capitulation japonaise et fin de la Seconde Guerre mondiale.
À lire pour aller plus loin :
Vincent Carpentier, Pour une archéologie de la Seconde Guerre mondiale, Paris, Inrap/La Découverte, 367 p., 2022.
Vincent Carpentier et Cyril Marcigny, Archéologie du Débarquement et de la Bataille de Normandie, Rennes, Ouest-France/INRAP, coll. « Histoire », 144 p. [1ère édition 2014], 2019.
Cyrille Billard, Vincent Carpentier, Stéphanie Jacquemot, Michaël Landolt, Jean-Pierre Legendre et Cyril Marcigny (dir.), Archéologie des conflits contemporains. Méthodes, apports et enjeux d’une archéologie en construction. Actes des colloques de Verdun à Caen (2018-2019), Rennes, PUR, Supplément à la Revue archéologique de l’Ouest, 13, 2024.
Vincent Carpentier, « L’archéologie du monde contemporain (1800 à nos jours) », in GARCIA Dominique et BOUIRON Marc (dir.), Atlas archéologique de la France, Paris, Tallandier/Inrap, pp. 288-315, 2023.
Vincent Carpentier, « Archéologie de la Seconde Guerre mondiale », in GARCIA Dominique (dir.), La fabrique de la France. 20 ans d’archéologie préventive, Paris, Inrap-Flammarion, p. 232-239, 2021.
Vincent Carpentier, Emmanuel Ghesquière, Benoît Labbey et Cyril Marcigny, 2021, « Archaeology, D-Day, and the Battle of Normandy: ‘The Longest Day’, a Landscape of Myth and Materiality », in SAUNDERS Nicholas J. et CORNISH Paul (dir.), Conflict Landscapes. Materiality and Meaning in Contested Places, Londres-New York, Routledge, 2021, p. 260-273.