L’Origine du monde de Gustave Courbet, de découvertes en scandales

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02_Histoire de l’art

Autoproclamé chef de file du réalisme en 1855, Gustave Courbet (1819–1877) restera marqué par ses origines franc-comtoises. Il mettra en lumière les forêts de cette région, ses rivières, ses paysans et ses ouvriers. Auprès d’un public bourgeois, le réalisme qu’il incarne a parfois choqué et été dénigré, non pas tant pour sa forme que le choix des sujets. On a pu parler d’un art laid, vulgaire, alors que l’idéal néoclassique et la fougue romantique sont rejetés en faveur d’une vérité concrète et contemporaine. Après avoir fait défiler dans son atelier les habitants de son village d’Ornans pour peindre la toile Un enterrement à Ornans, Courbet renouvellera également la représentation de la nudité, loin de l’académisme ou de l’exotisme du romantisme. En 1866, il illustrera les amours homosexuelles à travers le tableau Le Sommeil mettant en scène deux femmes aux corps entrelacés sur un lit défait. Cette œuvre, réalisée pour Khalil-Bey, riche oriental, ancien ambassadeur de Turquie et collectionneur sera suivie par L’Origine du monde pour ce même commanditaire. Ce cadrage serré d’un sexe féminin n’était pas destiné à être montré en public et ne se dévoilait qu’en soulevant un rideau dans un premier temps, puis un autre cadre plus innocent. Passée entre les mains de Jacques Lacan, l’œuvre n’entrera au Musée d’Orsay qu’en 1995. La presse s’est largement fait l’écho des réactions admiratives ou horrifiées du public. L’année précédente, l’œuvre illustrant la couverture du livre de Jacques Henric, Adorations perpétuelles, entraîne le retrait de l’ouvrage des vitrines des librairies.

On ne cessera jamais de s’interroger sur le modèle de cette œuvre acéphale. Plusieurs noms ont été avancés, notamment ceux des femmes qui pourraient également avoir posé pour Le Sommeil. Une rousse, Joanna Hifferman, une belle Irlandaise, compagne du peintre Whistler et peinte à plusieurs reprises par Courbet. Une brune, Constance Quéniaux, danseuse à l’opéra de Paris et courtisane. En 2000, Christine Orban écrit J'étais l'origine du monde, un roman-fiction qui se présente comme les mémoires de Joanna Hifferman, imposant un récit probablement loin de la réalité mais témoignant de l’influence exercée sur les écrivains comme sur les artistes. En 1989, l’artiste Orlan, dont l’œuvre fait une large place au corps et à la sexualité, réalisera le pendant féministe à l’œuvre de Gustave Courbet : L’Origine de la guerre, offrant cette fois un sexe masculin au regard. Orlan, qui préalablement s’était interrogée sur l’absence de pilosité dans les œuvres d’art à travers la performance A poil sans poils, question à laquelle Courbet avait choisi de répondre avec un réalisme inédit. Plus récemment, Deborah de Robertis, vêtue d'une robe dorée rappelant le cadre du tableau de de Courbet, a écarté les cuisses devant L'Origine du monde, dans une volonté de montrer l’ouverture qui ne serait que suggérée dans le tableau. Ainsi, plus d’un siècle et demi après sa création, cette œuvre mystérieuse conserve tout son pouvoir de fascination.


Votre conférencière :

Anne Vuillemard-Jenn est docteur en histoire de l’art, enseignante et chercheur indépendant. Membre du Groupe de Recherches sur la Peinture Murale, elle poursuit des recherches sur la polychromie architecturale et la peinture monumentale.


Les dates à retenir :

1819 : naissance de Courbet à Ornans.

1839 : Courbet part étudier à Paris.

1850 : il peint L’enterrement à Ornans durant un long séjour à Ornans.

1854 : Courbet fait scandale au Salon avec Les Baigneuses.

1866 : Courbet peint Le Sommeil et L’Origine du monde pour un diplomate.

1877 : Courbet meurt le 31 décembre 1877.

1919 : sa dépouille est transférée à Ornans.

1995 : l’Origine du Monde entre au Musée d’Orsay.


À lire pour aller plus loin :

Christine Orban, J’étais l’origine du monde, Albin Michel, 2000.

Fabrice Masanès, Gustave Courbet. Biographie, Taschen, 2006.

Thierry Savatier, L'Origine du monde, histoire d'un tableau de Gustave Courbet, Paris, Bartillat, 2006.

Ségolène Le Men, Courbet, Paris, Citadelles et Mazenod, 2007.



jeudi 31 août 2023 à 18:00

Anne Vuillemard

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