Les non-dits de l’Histoire suisse
Chaque grande Nation veut avoir un « roman national » à présenter au monde. Mais qu’est-ce qui fait « Nation » en Helvétie ? La Suisse a d’aussi belles montagnes que de mythes fondateurs à exhiber, mais rencontre bien des difficultés à rendre cohérente l’histoire d’une Confédération helvétique pour le moins hétéroclite. Peu enseignée dans les écoles, elle passe inaperçu, donnant la fâcheuse impression d’être de peu d’intérêt, ce qui est faux. L’étude approfondie de ce pays s’avère parfois gênante car elle montre rapidement que les pires ennemis des Suisses au fil du temps et de l’épée furent les Suisses eux-mêmes, alors qu’officiellement la Suisse n’existe que par la volonté de vivre ensemble. D’où la curieuse impression que le traitement de notre histoire à multiples facettes et entrées a consisté à occulter si possible, à exagérer si nécessaire maints jalons qui en ont permis d’en établir la structure. De curieux tracés de frontières intérieures et extérieures attestent de la difficulté à les établir.
Nous vous ferons connaître ainsi comment ce territoire entre les Alpes et le Jura, le Rhône et le Rhin s’est constitué de par la volonté des grandes puissances qui auraient pu a priori s’en disputer des fragments. En grande partie la Suisse est une « Nation de l’extérieur », en particulier voulu et conceptualisé par la France contre la Maison d’Autriche. D’où cette Paix Perpétuelle signée à Fribourg en 1516 qui a été inscrit au Registre international Mémoire du monde de l’UNESCO en 2025. Ce chassé-croisé permanent avec le monde qui nous entoure explique pourquoi tant de Suisses ont apporté leurs pierres à la construction des pays environnants et bien au-delà. Savez-vous, par exemple, que ce sont des financiers helvétiques qui ont créé l’infanterie française ou la banque de France, participé à la Révolution française ou à la conquête de l’Algérie ? Notre pays a non seulement fourni de grands personnages à l’histoire européenne (Necker, Rousseau, Marat, Madame de Staël, Henry Dunant…) mais il a également durablement imprégné nombre de grands noms de l’histoire politique et culturelle (Napoléon 1er et Napoléon III, Hergé, Saint-Exupéry, par exemple).
Parmi des grands non-dits de l’histoire suisse, citons les surprenantes origines du plurilinguisme et du fédéralisme qui semblent pourtant appartenir à l’ADN de ce pays, tout comme la sacro-sainte neutralité.
Votre conférencier :
Docteur ès lettres de la Sorbonne, spécialiste des relations franco-suisses, chargé de cours émérite à l’Université de Fribourg/CH, titulaire des Palmes académiques, chevaliers des Arts et des Lettres et de l’Ordre national du Mérite, Citoyen d’honneur de la ville impériale de Rueil-Malmaison, Alain-Jacques Czouz-Tornare, né en 1957, a participé en 2003 au film d’Anne Cunéo : « Napoléon et la Suisse : la Médiation, naissance d’une nation ». Pour France 2, il a tourné pour le magazine historique « Secrets d’histoire » : « Danton : aux armes citoyens ! » Auteur de nombreuses expositions tant en France qu’en Suisse, il a contribué à vulgariser l’histoire pour plusieurs médias écrits comme L’Histoire, Le Temps, L’Hebdo, Passé Simple, ou audiovisuels comme la RSR Espace 2, France Culture ou Radio Fribourg. Les lecteurs et auditeurs apprécient les présentations décalées et provocatrices de cet historien atypique et volontiers franc-tireur.
Les dates à retenir :
22 juin 1476 : bataille de Morat et fin de Charles le Téméraire.
29 novembre 1516 : Suite à Marignan, Paix Perpétuelle de Fribourg suivie de la signature en 1521 de l’Alliance perpétuelle entre la France et la Suisse.
6 mai 1527 : Les Suisses massacrés lors du sac de Rome.
1536 : Calvin prêche la Réforme à Genève qui devient la « Rome protestante ».
1648 : Le congrès de Westphalie reconnaît officiellement l’indépendance de la Suisse.
10 août 1792 : Les Suisses prennent part à la chute de la monarchie.
1801 : Lors du traité de Lunéville, l’Autriche reconnaît officiellement l’indépendance de la République helvétique créée en 1798.
1803 : L’Acte de Médiation institue la Suisse fédérale.
1815 : La neutralité de la Suisse établie dans l’intérêt de l’Europe.
1848 : La Suisse devient un Etat moderne à la suite d’une dernière guerre civile.
À lire pour aller plus loin :
Georges Andrey, L’Histoire de la Suisse des origines à 1815 pour les Nuls, Paris 2010.
Dominique Dirlewanger, Tell me : la Suisse racontée autrement, édition Alphil, Lausanne 2010.
François Walter, Histoire de la Suisse. Tome 3, Le temps des révolutions (1750-1830). Editions Alphil, Collection Focus 3, 2010.
Alain-Jacques Tornare, L’histoire des Fribourgeois et de la Suisse, Bière, Cabédita, 2012.
Gérard Miège, Alain-Jacques Tornare , Suisse et France : cinq cents ans de paix perpétuelle , Bière : Éditions Cabédita , 2016.