Néron, un esthète couronné
De tous les empereurs romains, Néron est probablement l’un des plus célèbres. Son nom est bien souvent associé à la tyrannie, à la mégalomanie mais aussi aux instincts criminels. Rome connut des heures sombres sous son règne, qu’il s’agisse de la mort du jeune Britannicus, du grand incendie de Rome en 64 ou des premières persécutions des chrétiens au lendemain de cette catastrophe. La littérature et le cinéma ont popularisé cette image de l’empereur incendiaire chantant devant sa capitale en flammes et se livrant à toutes les excentricités. La construction d’un gigantesque complexe palatial, la Maison Dorée, apparaît comme la traduction des ambitions démesurées du prince et de sa volonté d’égaler les dieux.
Pourtant, au-delà de la caricature, le règne de Néron doit être abordé avec toutes les nuances qui sont celles de la recherche historique, à la suite du grand livre d’Eugen Cizek qui lui fut consacré en 1982. Les historiens et les biographes antiques rapportent que les premières années du règne de Néron paraissent être un nouvel âge d’or au lendemain du principat de Claude, empereur moqué et déprécié. Néron bénéficie aussi des conseils de grands esprits tel celui du stoïcien Sénèque. Néanmoins, en 59, le meurtre de sa propre mère Agrippine marque un tournant dans le règne, avant de faire disparaître également son épouse Octavie au profit de Poppée en 62. Les sources livrent alors une image plus négative de Néron qui s’enfonce dans l’exercice d’un pouvoir plus autoritaire.
En réalité, le règne de Néron répond aussi à un véritable programme qui relève tant de la sphère politique que culturelle. Le néronisme allie la volonté de renforcer le pouvoir impérial et la célébration de la culture et de l’esthétique du monde grec. Amoureux des arts, Néron n’hésite pas à partir en Grèce afin de s’illustrer dans les grands concours musicaux, une manière aussi de vouloir créer un consensus autour de ses exploits artistiques. Cette pratique du pouvoir se heurte néanmoins à des résistances dont le point culminant est la conspiration de Pison en 65. La contestation peut aussi venir des confins de l’Empire avec la révolte de Boudicca et surtout la grande révolte de Judée. En 68, le contrôle de l’Empire finit par échapper à Néron et son suicide marque la fin de la première dynastie des empereurs romains.
Votre conférencier :
Dimitri Tilloi-d’Ambrosi est agrégé et docteur en histoire romaine, chercheur associé au laboratoire HiSoMA - UMR 5189. Sa thèse soutenue en 2019 à l’Université Jean Moulin Lyon 3 porte sur les relations entre la cuisine et la diététique à l’époque romaine. Il enseigne dans le secondaire et a été chargé de cours à l’Université Jean Moulin Lyon 3 entre 2012 et 2021. Il est l’auteur de L’Empire romain par le menu et des Voyages d’Hadrien parus aux éditions Arkhê.
Les dates à retenir :
15 décembre 37 : naissance de Néron.
13 octobre 54 : mort de Claude et arrivée de Néron au pouvoir.
23 mars 59 : mort d’Agrippine.
60-61 : révolte de Boudicca.
62 : répudiation et mort d’Octavie au profit de Poppée.
juillet 64 : grand incendie de Rome et première persécution.
65 : conjuration de Pison.
66-67 : voyage en Grèce.
66 : début de la révolte de Judée.
68 : révolte de Vindex.
9 juin 68 : suicide de Néron.
À lire pour aller plus loin :
Eugen Cizek, Néron, Paris, Fayard, 1982.
Mary Beard, Imperator : une histoire des empereurs de Rome, Paris, Seuil, 2024.
Catherine Salles, Néron, Paris, Perrin, 2019.
Catherine Salles, Le Grand incendie de Rome : 64 ap. J.-C., Paris, Texto (Tallandier), 2015.
Dimitri Tilloi-d’Ambrosi, 24 heures de la vie sous Néron, Paris, Presses universitaires de France, 2022.