La Cité radieuse de Marseille

En 1925, lors de l’Exposition des arts décoratifs et industriels modernes, Le Corbusier présentait son Pavillon de l’Esprit Nouveau. Ce logement-type, de réalisation exclusivement industrielle avec l’emploi d’éléments standards et un vaste accès à l’extérieur, était destiné à prendre place dans un immeuble-villa. Le mot mobilier est remplacé par celui d’équipement : des casiers deviennent l’aménagement essentiel du logement, à la fois cloisons et modules de rangement.

Ces années 1920 sont pourtant davantage marquées par les villas puristes, édifiées pour des clients fortunés, que par de tels programmes. Il faudra attendre l’après-guerre pour que ses Unités d’habitation lui permettent de construire pour le plus grand nombre. La première d’entre elles, à Marseille, véritable village vertical, lui est commandée par le Ministère de la Reconstruction pour faire face au manque de logements sociaux. Les lourds pilotis surélèvent le bâtiment et offrent un espace ombragé. Sur la façade, béton brut et couleurs vives se mêlent harmonieusement. Les proportions reposent sur l’utilisation du Modulor, système de mesure reposant sur le modèle d’un homme d’1m83, sa main levée culminant à 2m26 et correspondant à la hauteur minimale des plafonds.

Comparé par l’architecte à « un casier de bouteilles », l’immeuble accueille des appartements qui s’insèrent dans une ossature de béton et bénéficient d’une orientation est-ouest. Dans la grande pièce à double hauteur, permettant une sensation d’espace inhabituelle dans un immeuble, la lumière pénètre abondamment et les balcons offrent ce lien nécessaire avec l’extérieur. Les cuisines conçues par Charlotte Perriand ne sont séparées de la salle à manger que par des modules de rangement abritant un passe-plat. Ainsi, la ménagère n’est plus « reléguée au fond de l’appartement comme une esclave ». Dans les chambres d’enfants, un panneau coulissant, revêtu d’un tableau noir, permet de réunir ou de séparer les espaces.

A mi-hauteur de l’immeuble, une rue commerçante accueille des commerces et un hôtel. A l’extérieur, cette fonction se manifeste par l’interruption des balcons, remplacés par les brise-soleils de béton. Au dernier niveau, prend place une école maternelle et sur le toit, les enfants peuvent profiter d’une vue exceptionnelle sur la méditerranée, ainsi que d’un bassin. Entièrement équipé, doté d’une cheminée le faisant ressembler à un paquebot, le toit comprend un gymnase, mais aussi une piste de course. Il offre un autre lieu d’échanges pour les résidents.

Rapidement rebaptisée « la Maison du fada », la Cité radieuse a été la première Unité d’habitation. Elle sera suivie en 1955 par celle de Rezé en 1955, de Berlin en 1957, de Briey en 1963, puis de Firminy en 1965.

Image : La Cité Radieuse Corbusier visite guidée LamyOTCM.

Votre conférencière :

Anne Vuillemard-Jenn est docteur en histoire de l’art, enseignante et chercheur indépendant. Membre du Groupe de Recherches sur la Peinture Murale, elle poursuit des recherches sur la polychromie architecturale et la peinture monumentale.

Les dates à retenir :

1887 : naissance de Le Corbusier à la Chaux-de-Fonds.

1908-1909 : stage chez Auguste Perret, spécialiste du béton armé.

1914 : conception de l’ossature Domino.

1917 : installation à Paris.

1922 : projet de l’immeuble-villa.

1947-1952 : construction de la Cité radieuse de Marseille.

1965 : mort de Le Corbusier.

1995 : la Cité radieuse est classé Monument historique.

2013 : le gymnase sur le toit devient un lieu d’exposition.

2016 : le site est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.

À lire pour aller plus loin :

Jacques Sbriglio, Le Corbusier L'Unité d'habitation de Marseille, Birkhaüser, Collection «Corbusier Guides », 2004.

Collectif, Le Corbusier, les unités d'habitations en France, Belin, 2002.

Kenneth Frampton, Le Corbusier, Hazan, Paris, 1997.

Nicholas Fox Weber, C'était Le Corbusier, Paris, Fayard, 2009.