Les "rois fainéants", des Mérovingiens aux Carolingiens

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Dans les manuels scolaires, on aperçoit généralement une vignette montrant un souverain indolent porté dans un char à bœufs : tout l’histoire franque entre le milieu du VIIe et le milieu du VIIIe siècle semble se résumer à celle des « rois fainéants ». L’expression est encore aujourd’hui appliquée aux dirigeants dont on raconte qu’ils se désintéressent de l’exercice du pouvoir. Les derniers Mérovingiens ont-ils été victimes d'un effet d'image ? Ces rois aux cheveux longs sont souvent considérés comme des barbares aux idées courtes. Mais chez les chroniqueurs du VIIIe et IXe siècle, n’y a-t-il pas surtout une volonté délibérée de changer le passé ? En 751, la famille des Carolingiens a remplacé celle des Mérovingiens sur le trône. Des maires du Palais dynamiques, Pépin de Herstal, son fils Charles Martel et son petit-fils Pépin le Bref ont mené leurs armées à la guerre. Ils ont fondé une nouvelle dynastie qui entend démontrer sa légitimité chrétienne par de grandes victoires, notamment contre les païens de Frise et contre les Sarrasins. Il s’agit de montrer que les anciens rois n’en faisaient pas autant. Il faut aussi multiplier les gestes politiques. En 751, Pépin le Bref dépose Childéric III et se fait élire roi ; trois ans plus tard, le pape vient à Saint-Denis pour lui administrer le sacre, un rituel jusque-là inconnu des Francs. Mais le coup d’État n’est pas unanimement accepté : en Bavière, en Aquitaine et en Provence, certains aristocrates francs renâclent. Lorsque Pépin le Bref meurt en 768, toutes ces séditions ne sont pas éteintes. La jeune dynastie carolingienne doit également affronter des troubles internes. Soigneusement construit, le mythe des « rois fainéants » permet de faire oublier que le changement de dynastie constitua un drame et que les Carolingiens ne disposèrent jamais de la confiance dont jouissaient leurs prédécesseurs.


Votre conférencier :

Bruno Dumézil est professeur en Histoire médiévale à Sorbonne Université ; professeur à l’École Polytechnique.


Les dates à retenir :

639 : mort du roi Dagobert Ier.

676 - 681 : crise dynastique mérovingienne.

v. 681 : Pépin II de Herstal maire du Palais.

687 : bataille de Tertry. Pépin de Herstal maître de l’Austrasie et de la Neustrie.

716 : Charles Martel maire du palais.

732 : Bataille de Poitiers.

751 : déposition du dernier roi mérovingien.

754 : sacre de Pépin le Bref par le pape Étienne II.

768 : mort de Pépin le Bref.


A lire pour aller plus loin :

Bruno Dumézil, Le dossier saint Léger, (dir.), les Belles Lettres, La roue à livres, 2017.

Patrick J. Geary, Naissance de la France : le monde mérovingien, Paris, Flammarion, coll. "Champs Histoire", 1993.

Régine Le Jan, Les Mérovingiens, Paris, 2006.

Nicolas Lemas, Les Mérovingiens. Société, pouvoir, politique (451-751), Paris, Armand Colin, 2016.

Chris Wickham, Framing the Early Middle Ages, Europe and The Mediterranean 400-800, Oxford, 2005.

Ian Wood, The Merovingian Kingdoms, 450-751, Londres, 1994.



mercredi 2 février 2022 à 10:00

Bruno Dumezil

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