Amedeo Modigliani et son marchand, à l'occasion de l'exposition au Musée de l'Orangerie
Quand en 1915 Amedeo Modigliani fait la connaissance de Paul Guillaume, il fait partie de ses artistes à la fois réprouvés et terriblement intéressants qui foisonnent dans le quartier de Montparnasse où se concentre toute une effervescence artistique. Quelques années plus tard, on les associera à de ce qu’on nommera l’École de Paris. Modigliani vient d’abandonner la sculpture à laquelle il s’adonnait depuis cinq ans, pour se consacrer pleinement à la peinture. Paul Guillaume, lui est un amateur d’art, particulièrement ouvert aux nouvelles expressions. Les deux hommes partagent la fréquentation des poètes, la fascination pour l’art africain et l’attrait de la modernité.
Paul Guillaume appréciera profondément la peinture de Modigliani et le favorisera par ses achats, la promotion de son travail (par des expositions et des écrits) et un soutien constant. L’artiste quant à lui, trouvera dans ce ‘Nouveau Pilote’ de l’art moderne, un mécène partageant ses goûts, très convaincu et convaincant qui lui ouvrira de nombreuses portes.
L’exposition que le musée de l’Orangerie consacre à cette relation d’un artiste avec son marchand permet de poser un regard neuf sur l’œuvre de l’un, la collection de l’autre et le rôle fondamental de ces mécènes dans la promotion des grands maîtres que nous saluons aujourd’hui.
Image : Amedeo Modigliani, Elvire assise, accoudée à une table, 1919 © Image Courtesy of the Saint Louis Art Museum.
Votre conférencière :
Nathalie Douay est historienne de l'art et conférencière nationale.
Les dates à retenir :
1884 : naissance le 12 juillet d’Amedeo Modigliani à Livourne en Italie.
1891 : naissance le 28 novembre à Paris de Paul Guillaume.
1906 : Modigliani s’installe dans le quartier de Montparnasse à Paris.
1911 : le goût manifeste et précurseur de Paul Guillaume pour l’art africain le rapproche de Guillaume Apollinaire (1880-1918) qui l’introduit dans les cercles artistiques de l’avant-garde parisienne.
1914 : Amadeo Modigliani décide d’arrêter la sculpture à laquelle il s’adonne depuis sa rencontre avec Constantin Brancusi (1876-1957) en 1909 pour se consacrer à nouveau à la peinture. Paul Guillaume ouvre sa première galerie à Paris dans laquelle il expose de l’art africain et la peinture d’artistes modernes tels Derain, Matisse, Picasso, Van Dongen…
1915 : le poète Max Jacob (1876-1944) présente Modigliani à Paul Guillaume qui devient son marchand. Il lui loue un atelier à Montmartre pour pouvoir travailler (1916). Modigliani peint une série de portraits du galeriste dont le premier proclame Guillaume ‘Novo Pilota’, le pilote visionnaire de l’art moderne. De son côté, le galeriste présente des toiles et des dessins du peintre à chacune de ses expositions.
1917 : première exposition personnelle de Modigliani à la galerie Berthe Weill marquée par le scandale des nus.
1918 : Paul Guillaume crée la revue Les Arts à Paris par laquelle il fait la promotion de ses artistes. Il organise une exposition des toiles de Modigliani aux côtés de celles de Picasso et de Matisse.
1920 : décès le 24 janvier d’Amedeo Modigliani à Paris à 35 ans. Paul Guillaume épouse Juliette Lacaze, surnommée Domenica, qui le secondera dans son activité de marchand d’art.
1921 : Paul Guillaume devient le conseiller et le marchand d’Albert Barnes, richissime médecin américain qui favorisa la notoriété des artistes de l’avant-garde française aux États-Unis.
1934 : décès de Paul Guillaume le 1er octobre à Paris à 42 ans alors qu’il réfléchissait à offrir sa collection à l’État en vue de la création du premier musée ‘français’ d’art moderne.
À lire pour aller plus loin :
Modigliani et Paul Guillaume, hors-série Connaissance des arts, septembre 2023.
Thierry Dufrêne, Modigliani, Citadelles & Mazenod, 2020.
Pierre Nahon, Les marchands d’art en France 19e et 20e siècles, Editions de la Différence, 1998.