Jacopo Robusti (1519-1594) dit le Tintoret : un peintre avant tout !

Image représentant la conférence  Jacopo Robusti (1519-1594) dit le Tintoret : un peintre avant tout !
02_Histoire de l’art

Dans son monumental recueil biographique "Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes" (1568), Giorgio Vasari décrit Tintoret comme « un être extravagant, capricieux, prompt et résolu, le cerveau le plus terrible qu’ait jamais connu cet art » et il ajoute plus loin « un peintre digne de louanges. » Incontestablement, Tintoret fut un artiste à part.

Jacopo Robusti est né en 1519, sa petite taille et le métier de son père firent de lui « Il Tintoretto » c’est-à-dire le « petit teinturier ». Venise ? Plus qu’aucun autre peintre, Tintoret fut lié à Venise ! Il y est né et son oeuvre est à la fois le reflet de la splendeur et de l’inquiétude de la Sérénissime du XVIe siècle ballottée entre menaces ottomanes et ambitions impériales.

De sa jeunesse, on connait peu et sa formation reste mystérieuse encore aujourd’hui. Fut-il vraiment cet élève trop doué chassé de l’atelier par son maître - Titien en l’occurrence - comme le rapporte Vasari ? Peut-on imaginer notre peintre comme un autodidacte de génie ?

Ce qui est sûr, c’est qu’âgé de vingt ans à peine, Tintoret est déjà à la tête d’un atelier qui ne cessera de grandir et dans lequel de multiples assistants s’agiteront dont plus tard ses propres enfants ! Quel succès !

La réussite de Tintoret fut celle d’un curieux compulsif : « un peintre qui prend plaisir à tous les arts et en particulier la musique » résumera Vasari. Mais aussi d’un artiste très ambitieux dont l’objectif fut de se faire une place dans une époque dominée par des « géants » comme Titien et Michel-Ange. Des artistes qu’il admira, prenant à l’un la couleur et à l’autre le dessin. Toutefois, l’ambition ultime de Tintoret tient en quelques mots « se libérer des normes établies ». De fait, une œuvre comme le « Miracle de l’esclave » (1548) peut être vue comme le manifeste de cette ambition. Et puis se faire un nom c’est aussi développer un style. Le sien sera monumental, sculptural, sensuel, théâtral et porté par une touche pleine d’assurance mais surtout une touche très rapide, trop rapide selon certains. La décoration de la Scuola di San Rocco (1565-1588) peut-être considérée comme l’apogée de ce style. Enfin, notre Tintoret sera aussi un redoutable affairiste prêt à « casser » les prix ou même à offrir des œuvres aux institutions les plus en vue pour mieux s’imposer sur le marché de l’art vénitien.

De ce carambolage permanent entre fin et moyens est ainsi né Tintoret, un artiste « à part », « non-aligné » capable de tout peindre mais comme lui l’entendait. Ainsi, bien que considéré comme un peintre dévot, Tintoret n’eut de cesse de traiter les sujets religieux avec une grande liberté suscitant parfois la réprobation de quelques esprits chagrins.

Finalement, c’est peut-être le dramaturge Andrea Calmo, par ailleurs un ami du peintre, qui a trouvé la bonne formule en le comparant à un « grain de poivre ». Car Tintoret n’est-il pas effectivement cet artiste rare et précieux qui à l’instar d’une épice a su redonné de la saveur à une peinture vénitienne devenue trop prévisible et ainsi prolonger sa gloire ?


Votre conférencier :

Diplômé de l’École du Louvre et de l’université Paris-IV-Sorbonne, Fabrice Delbarre est Guide conférencier-national.


Les dates à retenir :

1519, Naissance probable de Jacopo Robusti à Venise. Son père est teinturier de soies d’où son surnom de Tintoret (« petit teinturier »).

1539, Tintoret signe un acte notarié laissant entendre qu’il est déjà un peintre indépendant actif à Venise.

1545, Pietro Aretino lui passe commande de deux toiles destinées à son palais vénitien.

1550, Tintoret se marie avec Faustina de Vescovi, fille d’un noble vénitien. Ils auront huit enfants.

1548, Réalise pour la Scuola di San Marco le « Miracle de l’esclave ». Scandale puis louanges.

1554, Naissance probable de sa fille Marietta Robusti qui deviendra également peintre.

1560, Naissance de son fils, Domenico, qui deviendra son principal assistant.

1564, Tintoret offre gracieusement le panneau représentant « Saint Roch en gloire » à la Scuola di San Rocco et l’année suivante obtient la commande pour la décoration complète de la Scuola.

1577-1578, Il reçoit des commandes de la part des Gonzague de Mantoue, de Rodophe II, et du Palazzo Ducale

1594, Tintoret meurt le 31 mai test inhumé à la Madonna dell’Orto.


À lire pour aller plus loin :

Sylvie Beguin, Pierluigi de Vecchi, Tout l’oeuvre peint de Tintoret, Flammarion, Paris, 1971.

Guillaume Cassegrain, Tintoret, 2010, Hazan, Paris.

Roland Krischel (dir.), Tintoret. Naissance d’un génie. Musée du Luxembourg, Paris, 2018.

David Rosand, Peindre à Venise au XVIe siècle. Titien, Véronèse, Tintoret, Flammarion, Paris, 1993.


lundi 13 février 2023 à 10:00

Fabrice Delbarre

Formulaire d'inscription