Ce que le vêtement raconte : le costume en Bresse
Conférence proposée en partenariat avec la Fédération des écomusées et des musées de société (FEMS) et le Musée Alsacien de Strasbourg.
Le long de la Saône, entre la Bourgogne et le Lyonnais, s'étirent deux territoires, la Bresse et le Tournugeois-Mâconnais. Le patrimoine y est pluriel, riche de couleurs, d'histoire et d'un héritage commun, entre terres d'Empire et terres de Royaume. Et si l'on y célèbre la gastronomie et le bon vin, les terroirs possèdent bien d'autres atouts. Moins popularisés qu'en Bretagne ou en Provence, les costumes régionaux se révèlent souvent subtils et spectaculaires, toujours exotiques à nos yeux et à notre culture contemporaine.
Costume traditionnel ; vêtement, parure ; tenue régionale… La terminologie et le champ lexical du costume en Bresse n'échappent pas à ces questions de désignation. De quoi parle-t-on ? Il s'agit de rappeler les éléments essentiels de ce qui constitue les principes de l'habillement sur un territoire, et qui évoluent au fil du temps, entre ville et campagne.
Loin de n'établir que des stéréotypes, il s'agit surtout de présenter des exemples spécifiques et documentés, qui répondent certainement à la mode d'une époque et d'un style, mais qui n'échappent pas au goût et à l'originalité que chacun et chacune peuvent mettre dans leur apparence. En croisant différentes disciplines, sources et approches, c'est une société toute entière qu'il faut imaginer dans ses façons de se vêtir.
L'étude à travers les temps et les lieux permet de mieux appréhender les modes en Bresse du XVIe siècle à l'entre-deux-guerres et d'en distinguer les singularités. Ainsi, le grand chapeau bressan aux dentelles noires, si intriguant et si caractéristique du costume, n'est qu'une des nombreuses pièces de parure tout aussi particulières et étranges à nos yeux contemporains.
Véritable carte d'identité pour qui sait le décrypter, le costume correspond à un statut social et redit la place de l'individu dans la société. Entre les riches étoffes de soie du Lyonnais et du Pays de Saint-Etienne, les toiles de coton ou de chanvre, les broderies et les parures métalliques dorées ou argentées, les costumes jouent sur les transparences et les codes de la société.
La forme spécifique des coiffes traditionnelles et surtout leur mise en forme par les repasseuses, racontent chaque territoire, parfois chaque commune. Car c'est tout un environnement productiviste, artisans toiliers, brodeuses, marchands ambulants, mais aussi usines de production de tulle dans le nord de la France et couturières s'inspirant des grands magasins, qui se joue derrière les tenues et les costumes.
Votre conférencier :
Romain Bourgeois est conservateur du patrimoine et directeur de l'écomusée de la Bintinais-Rennes Métropole. Il deviendra administrateur du Monastère royal de Brou, à Bourg-en-Bresse (Ain) au 1er mars prochain.
Les dates à retenir :
1530 : représentations de costumes régionaux, dont la paysanne bressane (Rustica Bressana)
Développement très important du costume grâce aux productions textiles liées aux révolutions industrielles
En 1834, un journaliste déclare que les différences de costumes entre la province et Paris, "s'affaibli(ssen)t chaque jour de plus en plus".
Dans la veine du goût romantique pour le pittoresque, les estampes représentent les riches costumes des Bressanes et des Mâconnaises dès le début du XIXe siècle. Une délégation de jeunes femmes en costumes reçoivent l'empereur Napoléon et Eugénie en 1860 à Mâcon.
À partir des années 1870, le chapeau bressan se porte de moins en moins. La coiffe constitue alors un des derniers emblèmes du costume régional. On oppose fréquemment la Bressane "ancienne", portant le costume complet, à la Bressane "moderne", qui adopte plus étroitement les modes civiles.
Dès 1897, la troupe de théâtre des Ebaudes joue des scénettes régionalistes. Il s'agit d'un jalon essentiel dans la création des groupes folkloriques en Bresse.
Entre les deux guerres, des fêtes de costumes sont organisées en Bresse et en Mâconnais. Des "musées de terroir", issus de collections privées, voient le jour à Bourg-en-Bresse, Mâcon, Romenay, Tournus et Dijon.
Le port de la coiffe traditionnelle connaît un net recul vers 1936-1938, puis une lente disparition jusque dans les années 1970.
À lire pour aller plus loin :
Paul Carru, En Bresse autrefois. Récit d'un campagnard, Bourg-en-Bresse, imprimerie du Courrier de l'Ain, 1923-1924, 2 volumes.
Gabriel Jeanton, Costumes bressans et mâconnais, Tournus, Amis des Arts et des Sciences, 1937.
Madeleine Blondel, Couvrez ce sein que je ne saurais voir. Gorgerettes mâconnaises, Dijon, musée de la Vie bourguignonne-Perrin de Puycousin, 1995.
Romain Bourgeois et Carole Larché-Millon, Coiffes entre Bresse et Bourgogne, Châtillon-sur-Chalaronne, La Taillanderie, 2006.